Aide sociale : les leçons des réformes nord-américaines
Compte tenu que le Québec est le champion de l’assistance sociale en Amérique du Nord, après Terre-Neuve et le district de Columbia, l’économiste Norma Kozhaya, de l’Institut économique de Montréal, avance que l’aide sociale pourrait être réformée de façon à réduire le taux de dépendance et la pauvreté des personnes aptes au travail. Cette évolution pourrait s’inspirer de mesures qui ont été appliquées avec succès dans plusieurs provinces canadiennes et États américains. Les dépenses d’aide sociale se sont élevées à 2,7 milliards $ pour près de 500.000 prestataires en 2005-2006 au Québec, soit 6,4% de la population. Depuis une douzaine d’années, le nombre d’assistés sociaux a fortement diminué partout en Amérique du Nord. Ce qui attire l’attention, c’est la réduction proportionnellement plus forte aux États-Unis, soit de 73%, en comparaison de 52% dans l’ensemble du Canada et de seulement 39% au Québec, après les sommets atteints au milieu des années 90.
Des changements introduits dans les années '90 dans plusieurs pays de l’OCDE ont eu pour objectif d’augmenter les incitations au travail et de faciliter l’obtention d’un emploi. L’esprit de ces réformes a été, entre autres, de rendre l’aide conditionnelle dans le but de mener à l’autosuffisance. Parmi les mesures appliquées avec succès aux États-Unis, relevons :
des limites de temps aux prestations, soit généralement cinq ans pendant la vie complète ;
l’obligation de travailler ou de participer à des activités de formation ou communautaires.
Une étude récente démontre que 44% de l’amélioration des taux d’aide sociale aux États-Unis provient de ces mesures de réforme plutôt que d’autres facteurs, tels la croissance économique. Avec pour résultat que le revenu des familles concernées a augmenté et le taux de pauvreté a diminué.
Au Canada, les réformes ont été moins prononcées qu’aux États-Unis. Seuls les gouvernements de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont adopté des mesures significatives, en rendant l’aide entièrement conditionnelle à la recherche d’emploi ou de la formation professionnelle ou en imposant une limite à la durée des prestations. Depuis le milieu des années '90, l’Ontario et l’Alberta ont connu une diminution du nombre de prestataires de 56% à 77%. Pourquoi la performance du Québec est-elle inférieure ? Le Québec a entrepris, en 1988 et en 1998, des réformes de l’aide sociale qui ont suivi la tendance nord-américaine, mais de façon beaucoup moins accentuée. Par contre, en 2005, cette tendance a été renversée avec l’introduction d’une prestation de base, ou « barème plancher », sans poser des exigences en vue d’intégrer le marché du travail. On ne trouve au Québec aucune des mesures plus poussées adoptées en Ontario, en Alberta et plus récemment, en Colombie-Britannique.
Selon un sondage Léger Marketing réalisé du 17 au 21 janvier dernier pour le compte de l’Institut économique de Montréal, quatre Québécois sur cinq (80%) sont favorables (contre 17%) à ce que l’aide sociale soit entièrement conditionnelle. Précisément, 54% sont tout à fait d’accord et 26%, plutôt d’accord, « avec l’idée de retirer l’aide sociale à un bénéficiaire qui refuserait de participer à un programme préparatoire à l’emploi comme des études, de la formation, ou du travail communautaire, comme c’est le cas en Ontario ». Par ailleurs, 44% des Québécois (contre 52%) sont d'accord avec l’idée de limiter les prestations d’aide sociale à une durée de cinq ans, sur une vie entière, comme c’est le cas dans certains États américains.
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