Chiche !
Les fidèles lecteurs de CPS savent tout l'amour que nous vouons à l'état PS, en Walbanie comme à Bruxelles. On pourrait donc s'attendre à ce que nous applaudissions à la volonté des partis flamands - ou en tout cas du CD&V-NVA - de délivrer leur région de l'emprise socialiste en poursuivant le détricotage de l'état belgique.
On pourrait, et on aurait tort.
Nous avons déjà insisté plusieurs fois sur ce blog sur l'énorme machine clientéliste qu'est la régionalisation - et pas seulement en Walbanie. Une nouvelle régionalisation, ça signifie plus d'administrations, plus de fonctionnaires, plus de concentration du pouvoir et plus d'impôts.
De plus, nous ne pouvons ignorer qu'aux niveaux régional et communautaire, malgré son piètre résultat aux élections fédérales, le PS continue à dominer la Belgique francophone. Lorsque Ditché Reynders disait donc, juste après les élections, qu'il n'allait pas donner au PS des pouvoirs que l'électeur venait de lui refuser, il raisonnait évidemment en chef de parti, mais en l'occurrence c'est un point de vue auquel les francophones non socialistes, les "francophones qui se lèvent tôt" si on veut, ne peuvent que souscrire.
Si les politiciens flamands raisonnent donc en collectivistes, et tiennent absolument à opposer Flamands et francophones, grand bien leur en fasse. Nous raisonnons en individus, et en l'occurrence en individus qui refusent de se sacrifier à un collectivisme qui ne les concerne pas. Il n'y a pas que les Flamands qui paient des impôts que le PS utilise pour asseoir son pouvoir clientéliste. Nous aussi nous "transférons". Notre priorité n° 1, c'est donc la lutte contre le PS. Le déshabillage de l'état belgique en sa faveur est une attaque en règle contre les francophones qui se lèvent tôt, elle est donc "onbespreekbaar", totalement non-négociable. Et si les Flamands menacent de faire péter la Belgique, il n'y a qu'une seule réponse à faire : chiche ! Vu le pouvoir démesuré qu'ils exercent déjà au sein de l'état belgique, forts de leur majorité démographique et de la complicité du PS toujours prêt à nous vendre pour un plat de lentilles, nous ne pouvons qu'y gagner, politiquement, territorialement - nous pourrons enfin casser le carcan autour de Bruxelles - et même économiquement si "l'électrochoc" s'avère fatal au PS.
Le grand perdant dans le futur gouvernement ?
Alors que le centre-droit flamand pourrait saisir la chance qui lui est offerte de pouvoir former un gouvernement sans PS, voilà que ses délégués – en jouant la carte maximaliste - font tout pour dégoûter les négociateurs francophones sociaux-chrétiens et « libéraux »... comme s’il s’agissait pour le cartel CD&V/NVA et le VLD de faire des œillades au PS, puisque sans sa participation, la majorité des deux tiers est impossible à atteindre. Et sans cette majorité, pas de nouveau grand bond en avant vers le confédéralisme.
En bref, je crains que leur nationalisme étriqué (ô pléonasme) ne pousse les partis flamands à inviter le PS dans la future majorité – au prix, peut-être du retrait du MR (qui ferait un mauvais calcul en s’embarquant dans une tripartite). Il est clair que le refus de l'État-PS manifesté verbalement par le centre-droit flamand n'est pas autre chose que de la rhétorique électorale. Si ces messieurs ont besoin des
socialistes francophones pour régionaliser encore davantage, ils n'hésiteront pas à les appeler. Les rouges ont été de toutes les réformes institutionnelles visant à démembrer le pouvoir central, pourquoi s'abstiendraient-ils cette (ultime ?) fois ?
Adepte du double langage, Di Rupo prétendait naguère
s’inquiéter de la « régionalisation à tout crin », présente dans la note Leterme. En réalité, il sait bien qu’elle consoliderait encore plus le pouvoir socialiste en Wallonie. Au demeurant, les plus fervents régionalistes wallons ont toujours été, pour l’essentiel, des socialistes purs et durs. Surtout, le « sourire au socialisme entre les dents » ne tient pas à risquer de voir son autorité contestée par ses troupes, peu désireuses de passer les prochaines années dans l’opposition fédérale.
Pour le dire clairement, je ne suis décidément pas certain que
la régionalisation et communautarisation de la Belgique constituent un gain de liberté. Ce processus n’a-t-il pas rendu les socialistes francophones plus puissants qu’ils ne l’ont jamais été ? Les partis flamands, guidés par leur nationalisme, se contrefichent que la Wallonie et Bruxelles s’enfoncent dans le collectivisme et le naufrage économique, du moment qu’ils peuvent continuer leur longue marche vers l’autonomie nordiste.
Loin de la rupture annoncée, ne risquons-nous donc pas plutôt d’assister à une poursuite de l’omnipotence socialiste ?