28.6.06

Le mythe de l'impôt volontaire

Dans un commentaire au très incisif billet que Climax a consacré aux élucubrations fiscomaniaques de La Serve Belgique, un lecteur conteste mon interprétation du "consentement à l’impôt". Tandis que j’y dénonce une notion hypocrite, lui le perçoit au contraire comme une grande conquête libérale de 1789.
Retournons donc aux sources. L’art. 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que :

"Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ".


Le site du ministère français des Finances croit utile de préciser que, chaque année, la loi de finances est votée par la "représentation nationale" afin de prolonger l’autorisation de percevoir les impôts. Il conclut en ces termes emphatiques autant que fallacieux : "Le consentement à l’impôt permet donc à chaque Français, par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement de contrôler les finances de l’État, et donc l’action du gouvernement (...)"


Pur sophisme. Car les citoyens, qu’ils soient français ou belges, par exemple, ne sont évidemment pas consultés sur leur volonté de payer ou non l’impôt : ils sont contraints de verser leur obole au Léviathan, et s’ils s’y refusent, la persécution s’abat sur eux comme la misère sur le monde. C’est pourquoi le terme d’impôt est parfaitement approprié, alors que celui de contribution baigne, lui, dans une ambiguïté vaporeuse, puisqu’il laisse de côté le caractère coercitif de la collecte fiscale. Voici donc pourquoi l’expression "consentement à l’impôt" est un non-sens absolu.


En vérité, les seules voix qui soient entendues avec bienveillance sont celles qui consentent véritablement à l’impôt parce que celui-ci constitue autant de recettes tombant dans leur escarcelle. De là, les propos très rarement taxophobes des fonctionnaires et assimilés, allocataires, retraités, intermittents du spectacle, employés des secteurs subsidiophages (pardon "non-marchand"), associations-festives-et-citoyennes, etc.


Ne se référant même plus à la DDHC, les autorités belges énoncent dans ce document (p. 40) :

"Le principe du consentement à l'impôt par le Parlement constitue l'un des fondements de la démocratie. En acceptant de payer des impôts, le citoyen exprime sa volonté de vivre dans une société solidaire. Le SPF Finances vise à assurer une juste et exacte perception de l'impôt, ce qui signifie faire en sorte que chaque contribuable supporte l'impôt légalement dû par lui. Ni plus, ni moins."


On le voit : le consentement n’est plus qu’une mince vernis dissimulant très mal les griffes étatiques menaçant celui qui ne veut pas cracher au bassinet pour financer la "solidaritéééééé". C’est le parlement qui acquiesce donc directement à l’impôt ; ceux qui se font plumer s’étant volatilisés du discours ou presque. Car, en résumant le paragraphe ci-dessus, on constate que le citoyen est en fait réputé libre d’être obligatoirement le distributeur automatique sur le clavier duquel l’Etat appuie régulièrement pour retirer du blé. Et après, les mêmes accuseront le capitalisme de "réifier" l’humain... Le langage granitique des étatistes n’a décidément rien à envier à celui de l’AngSoc. Une autre pièce à verser au dossier est que le citoyen semble toujours confondu avec l’assemblée parlementaire - c’est le mythe inusable, hélas, de la souveraineté démocratique. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un conte à dormir debout, étant donné que les parlementaires ne votent que ce que leur état-major leur demande d’approuver ou rejeter.
Remémorons-nous cette phrase cinglante de Constant visant la logique prétotalitaire du "doux" Jean-Jacques :

"Le peuple, dit Rousseau, est souverain sous un rapport et sujet sous un autre: mais dans la pratique, ces deux rapports se confondent. Il est facile à l'autorité d'opprimer le peuple comme sujet, pour le forcer à manifester comme souverain la volonté qu'elle lui prescrit."

En bref, je ne vois vraiment pas en quoi le "consentement à l’impôt" représenterait un progrès libéral. Pour ma part, j’y vois plutôt le masque hypocrite de l’oppression qui se veut rassurante. C’est encore plus patent quand on observe l’explosion des dépenses étatiques, au financement desquelles est dévolu un contrôle accru sur la vie des individus, dont aucun monarque absolutiste n’aurait jamais osé rêver.