27.7.06

Legibus solutus

Il y a un peu plus d’un an, deux policiers londoniens abattaient de sept balles dans le crâne un jeune électricien brésilien, Jean-Charles Menezes. Les officiers auteurs de la bavure expliquèrent alors qu’ils avaient appliqué la règle "shoot to kill" (utilisée en Irlande du Nord) parce qu’ils suspectaient que leur victime était un terroriste porteur de bombe. Le Crown Prosecution Service a rendu la semaine dernière son avis : les deux agents ne seront pas poursuivis pour cet homicide, mais... pour un manquement à des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail ! The Economist rappelle que cette réglementation porte en principe sur les inspections d’hygiène dans les restaurants. La relation entre ce dispositif et la mort de Menezes semblant à tout le moins floue et ténue, autant dire que les policiers sont quasiment blanchis par cette décision surréaliste. La raison invoquée à cette indulgence est que les preuves étaient insuffisantes pour inculper les auteurs du meurtre.


De surcroît, le dossier ne sera pas rendu public avant un an, y compris pour la famille de la victime !


La légèreté de cet arrêt ne devrait pas laisser d’inquiéter, car il est pourtant clair que les officiers de police ont commis une faute gravissime en abattant cet innocent. Tout d’abord, qu’est-ce qui a justifié leur suspicion à l’encontre de Jean-Charles ? Sa hâte ? N’importe qui d’un peu pressé et craignant de louper sa rame de métro risque d’être une cible potentielle pour le police londonienne. Quel indice plus probant pouvait justifier sa soudaine qualité de "suspect" ? Car c’est sur un parfait inconnu que ces flics au "flair" mal inspiré ont tiré. Cela signifie que la catégorie de "suspect" ne remplit plus de critères objectifs, puisque sa définition est laissée au bon plaisir des hommes de l’État. En revanche, ces derniers échappent par avance à toute responsabilité : confirmation a été faite qu’ils sont au-dessus des lois. D’autant plus que la légalité du "shoot to kill" est égale à zéro : c’est typiquement la mesure d’exception rompant avec toute idée de présomption d’innocence.


Voilà le message que le CPS a adressé aux Britanniques : la Rule of Law est bel et bien morte pour votre sécurité, dormez en paix bonnes gens.


2 commentaires

Blogger Laure Allibert a écrit...
CPS = chacun pour soi ?? (et l'Etat pour nous)
à 4:43 PM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
;-)

Hé oui, CPS critique le CPS !

Tu me permets donc de préciser aux lecteurs qu'afin de ne pas répéter la lourde appellation Crown Prosecution Service, j'ai employé son sigle usuel.
à 5:16 PM
 

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