Le musée des horreurs de la gauche, épisode 6
Une vache sacrée contemporaine est la célèbre "révolution des oeillets", qui renversa le pouvoir salazariste en 1974. Généralement, elle est présentée comme un grand moment de la liberté en Europe. En vérité, cet événement a fait passer une dictature de droite à la gauche de la Grande-Bretagne travailliste d’alors, ce qui n’est pas peu dire. Car le putsch des joviaux militaires "progressistes" lusitaniens était en réalité téléguidé par le parti communiste, en la personne d’Alvaro Cunhal. Celui-ci revint, au demeurant, rapidement d’exil... qu’il avait passé non seulement en France, mais surtout en URSS - patrie d’adoption où il avait sans doute passé beaucoup de temps à méditer sur les vertus présumées du "centralisme démocratique" comme remède à la dictature conservatrice en vigueur dans son pays natal...
Après leur victoire, les militaires créèrent un "comité révolutionnaire de salut national" visant à imposer le diktat marxiste aux autres partis. Bien évidemment, ils accusèrent les grincheux qui osaient contester leurs objectifs d’être des séditieux, des fascistes et des nostalgiques de la PIDE (police politique de Salazar, dont les archives servirent ensuite aux putschistes d’extrême gauche pour contrôler la population). Les bolcheviques sont décidément d’un prévisible ! Par une étrange coïncidence, les anciennes colonies - le Mozambique et l’Angola - furent quasiment au même moment livrées aux factions marxistes...
Certes, quelques années plus tard, en 1979, c’est un parti de centre-droit qui gagna les élections. Mais, entre-temps, une Constitution flambant neuve avait été adoptée. Elle vaut la peine d’être examinée pour apprécier le caractère "libéral" de la jeune démocratie portugaise d’il y a trente ans.
En dehors des droits civils et politiques énoncés classiquement dans à peu près n’importe quelle Constitution, nous trouvons dans la première partie, un titre III, les "droits et devoirs économiques, sociaux et culturels", qui énumère les poncifs habituels : "droit au travail" (appuyé par des politiques de chômage, pardon, de "plein-emploi"...) ; le salaire minimum ; la "sécurité sociale" (gérée privativement, mais contrôlée par les sbires de l’Etat) ; le "droit à la santé" et la socialisation des coûts médicaux ; politiques de prévention pour tout et rien ; "droit au logement" (avec même des privilèges accordés à "la jeunesse"). On trouve aussi une intrusion de l’Etat dans la famille, au moyen du planning familial visant à apporter les lumières socialo-bolcheviques au populo ignare et obscurantiste...
Concernant la culture, l’Etat se prévalait, naturellement, de dé-mo-cra-ti-ser ; en d’autres termes de s’approprier les médias et supports culturels. C’est un fait oublié, mais le gouvernement portugais a continué pendant longtemps de nommer les directeurs de journaux !
Mais là où cela devient encore plus intéressant, c’est lorsque la Constitution de 1976 aborde les questions économiques. Cette attention particulière du constituant lusitanien montre combien régnait le primat marxiste, car ce n’est normalement pas le rôle de la Loi fondamentale de traiter les affaires économiques. L’article 80 dispose ainsi que le "pouvoir économique est subordonné au pouvoir politique", de même que l’organisation économique du pays repose sur "la propriété publique des ressources naturelles et des moyens de production". Difficile d’être plus clair... Ensuite, comme au temps de l'Estado Novo, le corporatisme syndical et patronal est coulé dans le bronze constitutionnel. La liberté d’entreprise est concédée, me dira-t-on... mais d’abord, elle s’inscrit dans un cadre d’économie mixte, et ensuite comment aurait-elle pu être assurée véritablement alors que tout le reste contredisait ce principe (cf. par exemple la "planification démocratique du développement économique et social") ?
Dans la même veine, le pouvoir se proposait de gommer les différences entre vie urbaine et vie citadine. Fort heureusement pour les Portugais, il n’a pas eu le temps de recourir aux méthodes utilisées à la même époque par les communistes cambodgiens. Néanmoins, l’agriculture fut collectivisée, et les banques subirent les nationalisations (on comprend le grand intérêt que Mitterrand porta à l’expérience portugaise).
Quant aux éventuelles révisions constitutionnelles, elles ne pouvaient remettre en cause le laïcisme en vigueur, le caractère républicain de l’Etat, ni les planifications économiques décidées. Notons à l’inverse que, lorsqu’il s’est agi, au cours du XXe siècle, de trahir le caractère réellement libéral de plusieurs constitutions, les socialistes et leurs alliés ne se sont jamais embarrassés de scrupules juridiques. Pour les "progressistes", la Loi fondamentale ne doit être inamovible que si elle ordonne la collectivisation des terres et des nationalisations à tout va.
Le putsch militaire de 1974 et la Constitution portugaise de 1976 : un exemple de plus que la gauche et l’état de droit ne font vraiment pas bon ménage.
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