L'interêt et la morale
En règle générale, l’argumentaire libéral adopté par nombre d’entre nous vise à faire comprendre au grand public quel est son intérêt à adopter les principes de liberté. Ce discours vise à le convaincre qu’en se débarrassant de l’étatisme, et en particulier du socialisme, il vivra mieux. L’idée-force sur laquelle repose cette méthode est que l’étatisme s’appuie sur l’ignorance de la majorité des gens (sans compter que le libéralisme ne promet pas le bonheur, mais la liberté de le chercher). Cette stratégie, pour sincère qu’elle soit, me semble vouée à l’échec.
En effet, en ce début de XXIe siècle, qui ignore les méfaits du socialisme et de ses incarnations les plus totalitaires que furent le communisme et le nazisme ? Le siècle passé fut celui de l’État, projet auquel aspirait Mussolini (ancien instituteur de gauche) ; je crains que le nôtre ne soit pas encore disposé à changer de trajectoire. Sans sombrer dans d’aussi abjectes horreurs que les régimes précités, nos pays continuent de sacrifier à ce culte de l’omnipotence étatique. D’où les sempiternelles jérémiades anti-mondialisation - étant donné que nos gouvernants estiment qu’ils n’ont jamais assez de pouvoir ni de richesses à confisquer.
D’autre part, pour parler de nos contrées, les malversations socialistes défrayent la chronique judiciaire, mais le bon peuple vote encore et toujours pour les mêmes malfrats. Pourquoi ? Est-ce parce que ces électeurs sont stupides et ignorent "qu’il en va de leur intérêt" de refuser leurs voix à des mafieux ? C’est tout le contraire : ils votent pour ceux qui leur promettent le plus de sinécures et/ou d’allocations. C’est d’ailleurs vrai pour les autres formations : les "Réformateurs" misant de leur côté sur un socialisme de classes moyennes et sur une politique "petit blanc". Le problème de l’électorat MR, c’est tout simplement qu’il est un électorat - donc un public tenté par l’envie et la prédation, comme toutes les autres factions. Si nous vivons dans une société de despotes collectivistes, ce n’est pas parce que des malfaisants sont tombés du ciel un jour de malchance, mais plus prosaïquement parce qu’ils ont été élus. Les alimentaires se retrouvent en réalité des deux côtés de l’isoloir (j’allais écrire : du miroir) : l’électeur et le candidat. La tyrannie est celle de l’estomac ; faut-il s’en étonner puisque le paradigme de tout État socialiste est le matérialisme ?
Il y a deux cents ans, Mme de Staël, qui n’était certes pas un bas-bleu, écrivit des lignes ô combien prémonitoires, alors qu’elle s’opposait courageusement à Bonaparte : "Un pays ne peut être gouverné longtemps par des scélérats, mais très longtemps par des demi-honnêtes gens, et c'est l'espèce la plus recherchée comme instrument par les factieux ardents et tyranniques."
Le combat libéral ne peut donc, à mon sens, faire confiance à "l’intérêt bien compris" des particuliers, mais doit au contraire invoquer la justice et l’aspect moral de la pensée politique qui l’anime : justice pour ceux qui se font spolier et à qui les étatistes demandent de ne pas gueuler afin de ne pas trop perturber leur digestion et leur confort ; et aspect moral afin de rappeler d’abord que le socialisme détruit toute dignité humaine et ensuite qu’il importe aux libéraux de la restaurer.
2 commentaires
à la fois le constat pessimiste
et la déclaration d'intention : il faut parler aux autres de leur dignité d'être ibre de leur choix, et ce faisant, on parie sur le fait que l'homme, en moyenne, aspire à la liberté.
La plupart des gens veulent acheter des biens à un prix relativement bas... mais ils veulent, d'autre part, conserver une garantie que leurs salaires - et, plus généralement, leurs revenus - seront artificiellement élevés, et ce par le truchement de l'intervention étatique et corporatiste. De même, peu d'entre eux aiment payer des impôts, mais ils sont généralement enthousiasmés quand une nouvelle subvention tombe dans leur escarcelle. C'est ce type de comportement qui explique le peu de goût que nombre de gens éprouvent pour une société libre : ils préfèrent une sécurité fondée sur la spoliation d'autrui à la liberté tout court.
Les tenants du socialisme et de l'étatisme sont assez conscients qu'ils sont des exploiteurs, mais ils n'aiment pas se l'entendre dire. Alors, ils se gobergent de grands mots : "intérêt général", "nécessité démocratique", etc.
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