5.8.06

Le musée des horreurs de la gauche, épisode 5

La voie chilienne vers le totalitarisme

Parmi les mythes constitutifs de la doxa socialiste contemporaine, Salvador Allende figure en bonne place. Bien que ses méfaits soient connus, le président socialiste reste une sorte d’idole médiatique intouchable.


Rappelons d’abord qu’ayant recueilli seulement 36,2% des voix, c’est par la voie du Congrès que le chef de l’Unité populaire se vit remettre le pouvoir présidentiel. Il était traditionnel au Chili que soient ainsi départagés les deux candidats ayant obtenu le plus de voix. Pourtant, devenu président de la République, Allende agit d’emblée comme s’il avait reçu carte blanche pour humilier et spolier la majorité des Chiliens, tel le chef d’une bande de pillards autrement dit.


Certes, ce n’est pas lui qui avait initialement conduit le pays en direction du socialisme. Ses prédécesseurs - en particulier, le démocrate-chrétien Eduardo Frei, qui se racheta par la suite en risquant sa vie comme principal opposant à Allende - avaient déjà lancé des plans de réforme agraire, entraînant des occupations de fermes par des agitateurs de gauche et de nombreuses expulsions de propriétaires légitimes. Mais les socialistes estimaient que ce n’était pas encore assez à leur goût : dès les années 60, ils avaient opté pour une stratégie de conquête du pouvoir bolchevique et de subversion intégrale de la société chilienne. Lors du congrès socialiste de Linares en octobre 1965, la motion suivante fut adoptée :


"Notre stratégie rejette dans les faits la voie électorale comme moyen de conquérir le pouvoir. (...) Le parti a un objectif : afin d’obtenir le pouvoir, le parti doit utiliser toutes les méthodes et tous les moyens que requiert la lutte révolutionnaire."

Deux ans après, devant des délégués socialistes et communistes venus du monde entier, le parti socialiste chilien adopta une résolution encore plus claire sur ses intentions :


"La violence révolutionnaire est inévitable et légitime. Elle constitue la seule route vers la pouvoir politique et économique, et sa seule défense et force. C’est uniquement en détruisant l’appareil militaro-démocratique de l’État bourgeois que la révolution socialiste peut s’enraciner. Les expressions pacifiques et légales du combat ne peuvent, en elles-mêmes, conduire à conquérir le pouvoir. Le parti socialiste les considère comme des instruments d’action limités, des parties d’un processus politique qui nous conduit à la lutte armée. Le programme politique du front des travailleurs est poursuivi et contenu dans celui de l’Organisation de solidarité latino-américaine (l'OLAS - NB : organisation de subversion pro-communiste alors présidée par Allende), qui reflète la nouvelle dimension - armée au plan continental - du processus révolutionnaire latino-américain."

Dès lors, faut-il s’étonner qu’en 1970, Allende se soit écrié, avec des accents homicides digne de son camarade Castro : "Santiago sera repeint en rouge sang si je ne suis pas confirmé comme président." ? Le marxisme constituait depuis longtemps l’idéologie d’Allende ; ce n’est pas un hasard si, en 1953, il était parti à Moscou pour rendre un dernier hommage à Staline. De plus, il semble avoir été un agent de liaison du KGB dès cette époque.


Une fois arrivé au pouvoir, Allende se distingua par de constantes et méthodiques violations des règles constitutionnelles - que la Cour suprême dénonça comme il se devait, mais en vain (pour un marxiste, les lois doivent se mettre au service de la révolution et du "sens de l’Histoire").


D’emblée, la justice tomba sous la coupe réglée du pouvoir révolutionnaire. De nouveaux hauts-fonctionnaires furent nommés de manière anticonstitutionnelle afin de faciliter les nationalisations des secteurs industriels et bancaires. Le gouvernement s’attaqua ensuite à la presse d’opposition, en emprisonnant les journalistes récalcitrants et en faisant fermer leur rédaction. C’est aussi à dessein de contrôler l’opinion et d’empêcher l’expression de la moindre opposition qu’Allende décida de monopoliser la production et la distribution du papier et de brouiller les ondes des chaînes qui n’avaient pas l’heur de lui convenir - notamment les stations universitaires. L’enseignement tomba également dans les filets collectivistes lorsque le gouvernement promulgua le "décret de démocratisation de l’enseignement", servant en réalité à rendre obligatoire dans les écoles la diffusion du catéchisme marxiste.


De plus, bien avant Pinochet, c’est Allende qui a brutalement institué l’emploi de la torture, afin de mater quiconque lui manifestait une résistance trop active. Des hommes du régime faisaient également régner la terreur chez les propriétaires fonciers qui n’avaient pas encore été expropriés, tandis que des syndicalistes aux ordres faisaient appliquer les diktats socialistes dans les usines. Les rues furent vite à la merci de milices stipendiées par les hommes d’Allende aux fins de mater toute contestation "bourgeoise". Rappelons aussi que, trente ans avant le Venezuela et la Bolivie, le Chili était devenu un satellite cubain, que Castro venait fouler du pied tel un conquistador victorieux.


Totalitaire jusqu’au bout des ongles, Allende avait donc nationalisé une bonne partie de l’industrie du pays - le secteur du cuivre étant le plus connu. Croyant dur comme fer dans les vertus présumées de la planification, il recruta le théoricien de la cybernétique Anthony Stafford Beer afin qu’il conçoive un contrôle informatique de la production : le projet Cybersin. Une image de la salle de contrôle (qu’on dirait issue d’un sous-James Bond de série Z) est visible ici. Inutile d’ajouter qu’il se trouve encore des nostalgiques marxistes pour chanter les louanges de ce programme démentiel et liberticide et pour refuser d’admettre que la planification économique soit non seulement immorale, mais une lubie de charlatan.


En réaction à la politique tyrannique d’Allende, les électeurs chiliens avaient largement voté pour la démocratie-chrétienne (menant désormais une opposition franche au gouvernement marxiste) et le centre-droit. En dépit des intimidations et fraudes électorales (parmi lesquelles la falsification de plusieurs cartes d’identité) organisées par le pouvoir, les factions marxistes ne récoltèrent que 43% des voix. Le 22 août 1973, la Chambre des députés fit voter une résolution dans laquelle elle dénonçait en détail les violations de la légalité constitutionnelle et des libertés publiques commises systématiquement par le gouvernement d’Allende - qui comportait de plus en plus de militaires à la tête de ministères importants (l’Intérieur et l’Économie, tout particulièrement). Pour rendre ce texte exécutoire, le Sénat devait le voter à la majorité des deux tiers. Or, le gouvernement y ayant placé suffisamment d’hommes-liges pour ne pas encourir ce type de risque, il s’abstint de suivre les recommandations de la résolution et préféra continuer de se vautrer dans la forfaiture.


Sans ce refus criminel de se soumettre à l’ordre légal, il n’y aurait jamais eu de coup d’État du 11 septembre 1973 - au cours duquel Allende se suicida avec une arme gracieusement offerte par Castro.