18.8.06

Le sens moral de la liberté

Etre libéral ou anarcho-capitaliste ne signifie pas que l’on approuve sans réserve n’importe quelle action pourvu qu’elle n’agresse pas autrui. Souscrire au libéralisme ne signifie pas applaudir à tout rompre au spectacle de drogués en pleine déchéance, mais plutôt se refuser à employer l’instrument de la loi pour empêcher quelqu’un de se détruire. Mon cher Constantin a justement dénoncé la tyrannie qui se cache derrière la volonté de faire le bonheur et le bien des gens malgré eux par le biais de la pénalisation de comportements aussi suicidaires. En revanche, il est parfaitement normal d’enguirlander le drogué pour lui faire prendre conscience qu’il est tombé bien bas au point de se transformer en loque humaine, avant de l’aider à se désintoxiquer.


Si la liberté se résumait simplement à "je fais ce que je veux et je vous emmerde", il est clair qu’elle ne vaudrait pas la peine que l’on s’y intéresse de plus près ni même qu’on la défende. Car le principe de liberté ne consiste pas à "faire ce que l’on veut", sinon la notion de crime et, plus généralement, de délit disparaîtrait. Nous ne devons pas confondre le plan politico-étatique et l’ordre juridique. Comme libertariens, nous refusons l’idée du "contrat social", mythe sans aucun fondement historique. L’autorité étatique est le fait d’une usurpation violente. Cependant, cela ne signifie nullement que nous rejetions l’idée d’une suprématie du Droit sur nos décisions. Au contraire, ajouterais-je. Personne n’a évidemment jamais signé de "contrat social" avec l’État (et c’est a fortiori vrai des générations successives), mais pour que le Droit gouverne nos existences et nos choix, il n’est nul besoin que celui-ci soit sanctionné par un vote unanime : nous sommes soumis à sa souveraineté abstraite. L’ordre juridique d’une société se fonde sur l’antériorité et la prééminence du Droit naturel, qui nous commande de ne pas attenter à la vie et aux biens d’innocents. Ce commandement n’a pas besoin d’être avalisé par une assemblée de citoyens pour être obéi ; nous lui devons obéissance, point à la ligne.


Il est évident que quelqu’un qui s’enfonce dans la consommation de stupéfiants ou dans l’alcoolisme n’a pas à être inquiété tant qu’il se contente de ruiner seulement sa propre santé. Mais la supériorité de la liberté réside dans sa dureté, non dans le laxisme moral : si le toxico persiste dans l’erreur et s’isole de toute vie sociale normale, il devra en assumer les conséquences et ne pas se chercher d’excuses (du style "c’est la faute à la bouteille et à la société"). L’une des caractéristiques essentielles du libéralisme est donc de faire coïncider comportement libre et devoir de responsabilité.


Ensuite, et surtout, grâce au libéralisme, nous pouvons atteindre des objectifs élevés : faire coexister des croyances diverses dans une même société (tolérance religieuse) ; contribuer au progrès des connaissances (concurrence scientifique) ; satisfaire les requêtes pacifiques de millions de clients (libre marché) ; pratiquer la charité pour aider les démunis et ceux qui souffrent (solidarité véritable), etc. En réalité, chaque être humain est doué de liberté, non pour vivre égoïstement en assouvissant simplement ses plaisirs immédiats, mais pour essayer d’accomplir des actions qui le hisseront à un degré éthique supérieur. Si la liberté n’est certes pas la Morale, elle est, cependant, bel et bien morale. C’est la seule fin politique digne de ce nom ; mais, sur le plan moral, elle est l’unique moyen pour arriver à des fins qui nous grandissent.


Je laisserai le mot de la fin au grand Lord Acton : "La liberté n'est pas un moyen pour une fin politique plus haute. Elle est la fin politique la plus haute. Ce n'est pas en vue de réaliser une bonne administration publique que la liberté est nécessaire, mais pour assurer la poursuite des buts les plus élevés de la société civile et de la vie privée."


4 commentaires

Blogger RonnieHayek a écrit...
Merci de ton commentaire.

Je vais donc essayer d'expliciter ce paragraphe.

Tout d'abord, pour vivre le plus pacifiquement possible en société, nous devons observer un certain nombre de règles. Mais celles-ci ne dépendent pas de notre bon vouloir. Ainsi, l'interdiction du vol, du viol, du meurtre, n'est pas "culturelle", mais est indispensable à la préservation d'une vie civilisée et paisible. Cette prohibition de l'agression n'est pas le produit de notre raison, mais s'identifie plutôt à un ordre que notre raison doit suivre.

Ensuite, pour juger de la licéité ou non d'un acte, il est nécessaire que nous puissions nous référer à des méta-normes, qui dépassent nos volontés. En clair, pour dire : ceci est juste, et ceci est injuste, nous devons nous référer à des principes supérieurs à toute législation humaine. Sinon, c'est le chaos assuré et la loi devient fonction des caprices du moment (des expédients, comme dirait Hayek, qui n'était pourtant pas jusnaturaliste). Du reste, nous vivons aujourd'hui dans un grand désordre parce que nos contemporains idolâtrent la "souveraineté du peuple" au lieu d'obéir à la suprématie de la justice.

Voilà, j'espère avoir quelque peu éclairé mon propos.
à 3:04 PM
 
Blogger AM a écrit...
Simple, clair et précis, quelque chose me dit que ce genre de billet, pourrait faire partie d'une série "introduction au libéralisme", tellement c'est didactique et met l'accent sur un point particulier. Bravo.
à 3:17 PM
 
Blogger Faré a écrit...
Bravo pour un excellent billet.
à 12:11 AM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
Merci à tous.

Concernant la suggestion d'Arnaud, pourquoi pas ? :-)
à 5:21 PM
 

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