19.9.06

Extrait du discours du Saint-Père du 12/9/2006 à Ratisbonne

Le dialogue repose sur tout le concept de la foi décrit dans la Bible et le Coran et porte en particulier sur les images de Dieu et de l'homme, tout en revenant nécessairement sans cesse sur le rapport entre ce qu'on appelle les "trois lois": l'Ancien Testament, le Nouveau Testament et le Coran.
Dans ce discours, je voudrais seulement aborder un point -- plutôt marginal dans le dialogue -- qui m'a captivé, en rapport avec le thème de la foi et de la raison, et qui me sert de point de départ pour mes réflexions sur ce thème.
Dans la septième Controverse éditée par le professeur Khoury, l'empereur aborde le thème du Jihad (la Guerre sainte). L'empereur devait savoir que la sourate 2-256 dit: "Il n'est nulle contrainte en matière de foi" -- selon les spécialistes, c'est l'une des premières sourates, datant de l'époque où Mahomet était encore sans pouvoir et menacé.
Mais l'empereur connaissait aussi naturellement les commandements sur la Guerre sainte contenus (...) dans le Coran. Sans s'attarder sur des détails, comme la différence de traitement entre les "croyants" et les "infidèles", il pose à son interlocuteur, d'une manière étonnamment abrupte pour nous, la question centrale du rapport entre religion et violence.
Il lui dit: 'Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait'.
L'empereur, après avoir tenu des propos si forts, explique ensuite en détails pourquoi il est absurde de diffuser la foi par la violence. Une telle violence est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l'âme: "Dieu n'aime pas le sang et agir de manière déraisonnable est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l'âme et non du corps. Celui qui veut donc conduire quelqu'un vers la foi doit être capable de parler bien et de penser juste, et non de violence et de menace... Pour convaincre une âme raisonnable, on n'a pas besoin de son bras, ni d'armes, ni d'un quelconque moyen par lequel on peut menacer quelqu'un de mort...".
La phrase décisive dans cette argumentation contre la conversion par la violence, c'est: "Agir de manière déraisonnable est contraire à la nature de Dieu".
L'éditeur, Théodore Khoury, commente à ce propos: pour l'empereur, un Byzantin éduqué dans la philosophie grecque, cette phrase est évidente. En revanche, pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même celle de la raison.
Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français (Roger) Arnaldez (ndlr: décédé en avril dernier), qui souligne que Ibn Hazm (ndlr: un théologien musulman des Xe et XIe siècles) est allé jusqu'à expliquer que Dieu n'est même pas lié par sa propre parole, que rien ne l'oblige à nous révéler la vérité. S'il le souhaitait, l'homme devrait même se livrer à l'idôlatrie.