Le Corporatisme: un Etat qui ne dit pas son nom
A l’occasion de la grève quasi générale qui s’est abattue sur la Belgique ce vendredi 28, j’aimerais revenir sur l’un des problèmes majeurs qui plombent ce pays : le corporatisme, dont le désormais fameux "Pacte pour la solidarité entre les générations" apporte encore un témoignage. Je ne m’étendrai pas sur ce dernier, mais je rappellerai en bref combien il est illibéral d’obliger les gens à travailler jusqu'à un certain âge, de surcroît pour financer un système de retraites cher au maréchal Pétain (et que mon grand ami Constantin a récemment démonté, chiffres à l’appui).
Cela fait belle lurette que la liberté contractuelle a disparu du paysage économique et juridique belge. En lieu et place de cette relation entre individus responsables, règnent les conventions collectives et les commissions paritaires. Existant de fait depuis le début du XXe siècle, elles sont entrées dans le domaine légal à travers la loi du 5 décembre 1968. Presque aucun domaine d’activité n’échappe au quadrillage de ces organisations semblables aux groupes prônés par le corporatisme de la droite traditionaliste et de sa cousine la social-démocratie (dont l’exemple le plus célèbre reste la Suède). J'allais oublier que ce bel ordonnancement était chapeauté par le Conseil national du Travail (dont le nom seul laisse deviner l'inspiration "ultralibérale", cela va sans dire...).
Le principe gouvernant ces relations est celui de la collaboration entre représentants patronaux et syndicaux au sein de structures communes, les commissions paritaires. D’ailleurs, pour se faire une idée, j’invite le lecteur à jeter un œil sur la multitude de ces dernières et la kyrielle de conventions collectives qui égayent notre beau pays. Loin de suivre des règles libérales, leurs accords et désaccords (ces derniers souvent de pure forme) sont d’ordre politique, au sens fort du terme: pour ces organisations "représentatives", le marché est conçu comme le frère jumeau de l’Etat, animé des mêmes buts et régi par la loi démocratique, toutes ces discussions obéissant au dogme de la sacro-sainte "concertation". En effet, les conventions collectives conclues s’appliquent ensuite - par voie d’arrêté royal - à la profession tout entière, quelle que soit l’avis des employeurs concernés. Du côté des dirigeants d’entreprises comme du côté des syndicats, il s’agit de protéger leurs positions : les premiers en fermant l’entrée sur le marché d’éventuels concurrents et en obligeant leurs rivaux à obéir aux conventions collectives conclues ; les seconds en octroyant des privilèges variés à leurs membres déjà salariés et en fermant - ou, du moins, en restreignant - l’accès à l’emploi aux gens à la recherche d’un boulot (comme l’attestent les conditions d’embauche incluses dans les divers plans de mise ou remise à l’emploi dont nos élites raffolent : plan "Rosetta", plan Activa, etc.).
Et, comme de bien entendu, une fois les négociations terminées, chacun reprend son rôle devant les caméras ou dans les interviews de la presse écrite : les corpo-employeurs traitant les corpo-syndicats d’ irresponsables", tandis que ceux-ci accusent ceux-là de ne penser qu’au "profit" et de détruire la "solidarité, ciment de notre société ". C’est d’ailleurs le même cinéma qui se passe en Suède depuis les années 30.
Pourtant, malgré les vices inhérents à ce système il est courant, notamment en France, de considérer ce genre d’arrangements comme le fin du fin en termes de contrat libéral. Comprenne qui pourra... En conclusion, si nous voulons retrouver notre liberté de contracter, il nous faut, au moins, un nouveau décret Allarde !
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