15.2.06

En finir avec le mythe de la bonté de l'Etat

Tous ceux qui sont assez âgés pour se rappeler des événements de Tchernobyl se souviennent sans aucun doute de ces récits de secouristes russes s'affairant sans protection autour du réacteur encore fumant, absorbant sans s'en rendre compte des doses léthales de radiations. Sans doute aussi se rappelleront-ils le silence de Moscou : les événements de Tchernobyl n'ont été admis par les autorités russes que quelques jours plus tard, quand il fut impossible de nier le problème parce qu'un gigantesque nuage radioactif se dirigeait vers nos vertes contrées. Pendant ce temps, la population ukrainienne elle-même était maintenue dans l'ignorance complète des événements. L'évacuation du voisinage immédiat de l'usine ne fut décidée que plusieurs jours après l'accident. Inutile de préciser, je présume, que le rayonnement radioactif absorbé par la population du cru a depuis causé d'innombrables décès.

Volà bien la réaction typique d'un gouvernement dictatorial communiste, me direz-vous : aucun respect des secouristes présents sur le site, aucune information à destination de la population de la zone touchée, voire carrément de la désinformation afin de minimiser les risques. Bref, un mépris total de la vie et de la santé des personnes directement concernées par la catastrophe. N'importe quel libertarien vous contredira cependant : c'est l'Etat le problème, pas le système politique.

Un article de The Economist vient malheureusement corroborrer les thèses libertariennes : ce style particulier de gestion des crises n'est pas l'apanage des vilains méchants communistes. Dans un article intitulé "The Hidden Killer" et daté du 11 février, le périodique nous apprend en effet qu'un juge New-Yorkais vient de condamner Mrs Whitman, responsable de l'Environment Protection Agency (EPA), l'agence américaine pour la protection de l'environnement : Mrs Whitman est reconnue coupable d'avoir "sciemment et à plusieurs reprises trompé le public sur la qualité de l'air dans les jours qui ont suivi les attaques".

En clair, l'EPA, qui a analysé l'air de New-York dès le 12 septembre, n'ignorait pas, par exemple, que les niveaux d'amiante dans l'échantillon testé étaient quatre fois plus élevés que le seuil de danger qu'elle avait elle-même déterminé. Des études menées par d'autres agences gouvernementales ainsi que des chercheurs indépendants ont corroborré ces résultats, et détecté des niveaux très élevés d'amiante dans les logements et les bureaux de Lower Manhattan. Pourtant, l'EPA n'a pas hésité, au même moment, à mentir en recommandant aux habitants de ce district de New-York de regagner leur logement et de retourner au travial ou à l'école.

Pire encore : l'EPA avait reçu pour mission du gouvernement fédéral de gérer le nettoyage et la décontamination des logements et des bureaux, mission qu'elle a sous-traitée aux services de la ville de New-York, qui ne possédaient ni l'équipement, ni le savoir-faire nécessaire à l'accomplissement de cette tâche. Par contre, l'agence s'est fort bien occupée de l'assainissement de son propre quartier général New-Yorkais, en faisant usage des technologies les plus récentes.

Enfin, l'article note qu'un autre juge a statué sur un procès intenté à Mme Whitman par les sauveteurs présents Ground Zero, dont plusieurs sont déjà décédés des suites d'infections respiratoires et de cancers causés par les émanations toxiques présentes sur le site. Mme Whitman et l'EPA, qui avaient pris la précaution d'émettre un avis distinct nettement plus objectif sur la qualité de l'air autour de Ground Zero, ont été exonérées de toute responsabilité.

Mensonges à la population, mépris des conditions de travail des sauveteurs présents sur le site, le parallèle est frappant. La conclusion ne l'est pas moins : l'Etat est une entité malfaisante, quel que soit le système politique en place. Les citoyens des démocraties les plus abouties ne sont pas plus à l'abri de la malfaisance étatique que les sujets des dictatures les plus abjectes.

Plus que jamais, le titre d'un ouvrage d'Albert Jay Nock reste d'actualité :

"Our enemy : the State"

1 commentaires

Blogger Constantin a écrit...
L'Etat jouissant d'un monopole sur ses activités, il n'a effectivement pas besoin de cet effet de réputation indispensable aux entreprises privées.
à 9:39 AM
 

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