Le musée des horreurs de la gauche, épisode 1
Depuis près de deux siècles, les socialistes sont passés maîtres dans l’art de réécrire l’Histoire à leur avantage. Après tout, cette stratégie reflète le cœur même de leur idéologie néfaste, fondée sur la subordination de la morale et du droit à l’accomplissement du "progrès". L’un des épisodes ayant façonné le canon idéologique de la gauche - pas seulement marxiste, du reste - est la Révolution française.
Il est devenu habituel de distinguer deux grandes phases chronologiques dans la Révolution : la première, "libérale" et démocratique ; la seconde totalitaire et terroriste. C’est d’ailleurs la "seconde" phase qui a toujours enthousiasmé les bolcheviques purs et durs, hier comme aujourd’hui. Pourtant, cette césure me paraît on ne peut plus artificielle, au vu d’ailleurs des travaux d’historiens aussi divers que Jacob L. Talmon, François Furet ou Jean Tulard (Melodius ajoutera Simon Schama, que je n’ai pas encore lu). En effet, s’il y a eu en 1789 des révolutionnaires de tendance libérale, ce ne sont malheureusement pas eux qui ont donné le ton. Pour s’en apercevoir, il suffit de remarquer la coïncidence chronologique de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (rédigée durant l’été 1789 et mêlant les principes de la Déclaration américaine de 1776 à des thèmes plus rousseauistes) et des premiers massacres pour relever que la Révolution développait, dès le début, une politique de la Terreur.
L’épisode de la prise de la Bastille est, à cet égard, emblématique : en réalité, il ne s’agit nullement du soulèvement d’un peuple opprimé contre l’arbitraire, mais bien d’une sauvage jacquerie fomentée par une bande de soudards sans une once de sens moral. Le gouverneur de la célèbre prison, le marquis de Launay, ouvrira ainsi la porte aux émeutiers... qui le remercieront en retour en l’assassinant illico, avant de promener sa tête au bout d’une pique ! Et ceci, non pour délivrer des prisonniers politiques, mais quelques bandits de grand chemin. D’autres lâches exécutions suivront et s’en prendront à ceux que les idéologues au service du nouveau pouvoir dénonceront comme les "privilégiés". En réponse aux protestations publiques, le député Barnave prononcera cette phrase lourde de conséquences : "On veut nous attendrir, messieurs, en faveur du sang qui a été versé hier à Paris. Ce sang était-il donc si pur ?" Tout le fanatisme totalitaire des jacobins et de leurs descendants communistes ou nazis est déjà contenu dans cette phrase qui soulève le cœur. L’ironie de l’histoire étant que le même Barnave fut très vite éliminé par ses amis Montagnards lors de la dictature robespierriste.
Ce 14 juillet, les Français s’apprêtent donc, une fois encore, à commémorer le triomphe du crime sur la paix et le bon droit.
D’autres signes ne trompent pas sur l’éthique révolutionnaire. Ainsi, cette légende de la nuit du 4 août qui aurait vu l’abolition des "privilèges" (décrétée officiellement une semaine après, pour être précis). En vérité, les divers orateurs avaient préparé un festin orgiaque, où ils burent plus que de raison, puis ne firent que dégoiser quelques poncifs sur les droits seigneuriaux - dont beaucoup avaient déjà disparu - pour mieux attaquer ceux qu’ils considéraient comme des "nantis" : les propriétaires fonciers. D’ailleurs, s’il est devenu habituel de saluer comme des mesures libérales bienvenues la loi Le Chapelier et le décret Allarde en 1791, le dirigisme économique des révolutionnaires n’est pas douteux, comme en témoigne l’étatisation des biens ecclésiastiques (2 novembre 1789), qu’entérinera la politique des assignats (17 décembre de la même année). Ainsi que le rappelle Florin Aftalion (dans son Economie de la Révolution française), lors des débats relatifs aux questions financières, Mirabeau - souvent présenté comme un esprit modéré - appela de ses voeux une spoliation des gens fortunés :
"Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s’engloutir (...) Il faut le combler, ce gouffre incroyable. Eh bien ! voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier le moins de citoyens. Mais choisissez ! car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ? Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler les déficits."
Tous les Lénine, Staline, Hitler, Mao et Pol Pot qui suivront feront leurs de telles paroles.
Un élément qui ajoute au caractère tyrannique de cet événement alors sans précédent est la déchristianisation forcée de la France, à l'époque un pays catholique à plus de 90%. L’Etat tentaculaire substitue son organisation aux traditions locales et religieuses, ainsi que l’atteste le remplacement administratif des paroisses par les communes. De nombreux ordres religieux sont interdits. Les prêtres doivent prêter allégeance au nouveau régime et devenir, à peu de choses près, des fonctionnaires contraints et forcés de servir la religion d’Etat. Humiliation suprême, les curés sont obligés de lire en chaire les décrets de l’Assemblée ! La loi des suspects - autre initiative des "amis du genre humain" antérieure à 1793 - sanctionnera les prêtres réfractaires en les privant de toute rémunération, les condamnant à se soumettre ou bien à mourir de faim. Ces décisions ne sont rien d’autre qu’une application des préceptes anticléricaux des auteurs des Lumières, et en particulier du fanatisme anticatholique du "doux" Jean-Jacques, pour qui un homme d’Eglise était un traître à la patrie en puissance - donc déjà coupable...
De même, faut-il rappeler que la politique extrêmement agressive des révolutionnaires français, cherchant à "libérer les peuples opprimés" - rhétorique réutilisée peu après par Bonaparte ou, aujourd’hui, par les néoconservateurs - fut soutenue premièrement par les Girondins, que l’on continue pourtant de dépeindre en "libéraux" ou "démocrates modérés" ? Poussés par leur sentiment d’obsidionalité, les brissotistes voulaient non seulement imposer la liberté par décret (celui du 19 novembre 1792, promettant fraternité et assistance aux peuples "voulant" se délivrer de la "tyrannie"), mais de surcroît ils étaient favorables à une guerre totale avec le reste de l’Europe, puisque le même décret fut radicalisé : tout peuple "libéré" qui n’adoptait pas les principes de la souveraineté populaire ainsi que les institutions révolutionnaires était considéré comme ennemi de la France. Un discours du type "avec nous ou contre nous" qui a fait fortune depuis, de Trotski jusqu'à Bush...
Au demeurant, cette obsession de la conspiration "antipatriotique" était déjà bien présente dès les premiers mois révolutionnaires, Joseph Guillotin n’a-t-il pas soumis sa célèbre invention dès l’automne 1789 ? L’idéologie sous-jacente à la guillotine témoigne, du reste, d’un égalitarisme fort peu libéral, puisqu’elle devait servir à raccourcir tout délinquant, quelle que soit la gravité de sa faute (si faute il y avait, du reste, puisqu’elle passa à la postérité pour son utilisation contre les "ennemis de la patrie".) On reconnaît au passage l’influence profonde de la démocratie à la sauce athénienne, où pas une tête ne devait dépasser.
Pour finir, à l’instar du putsch de 1917, la voie révolutionnaire de 1789 n’avait rien d’inévitable : c’est un coup de force de fanatiques cherchant à détruire la nature humaine pour censément la reconstruite selon leurs "lumières", un complot contre la liberté de chaque être humain. La "guerre contre les tyrans" préconisée par les Conventionnels et leurs successeurs n’est , au demeurant, qu’une formule pré-orwellienne, servant à imposer à tous le règne du despotisme le plus inhumain et impitoyable.
8 commentaires
Curieusement, le bouquin de Schama, considéré comme le classique indispensable à ce sujet dans le monde anglo-saxon, n'a pas été traduit en français...
J'ajoute être frappé par l'intimidation que la Révolution français a exercé au XIXe siècle et continue d'exercer aujourd'hui sur plusieurs libéraux (est-ce un hasard qu'ils se qualifient souvent de "libéraux de gauche" ?). Preuve que le langage révolutionnaire dispose d'une force trompeuse inouïe - on retrouve d'ailleurs ce même schéma avec la réaction pro-néocon parmi les libéraux européens.
L'historien Talmon parle de cette puissance d'intimidation dans son essai Origins of Totalitarian Democracy (1952) : "Lorsqu'on considère qu'un régime constitue par définition l'expression même des droits et des libertés, le citoyen perd le droit de se plaindre qu'on le prive de ses droits et de ses libertés."
"La liberté, c'est l'esclavage" n'est, somme toute, qu'un résumé saisissant de la pensée rousseauiste ayant présidé à cette tragédie qui était, encore une fois, parfaitement évitable.
Ensuite, l'adoption de la date du 14 juillet en hommage à cette fête n'est qu'un subterfuge hypocrite (un de plus !) de la gauche républicaine :
http://14juillet.senat.fr/toutsavoir/
A noter que ce grand chant pacifiste, le "ça ira", ("les aristocrates à la lanterne, les aristocrates on les pendra !") date de la préparation de la fête de la fédération.
On voit que les idées d'unité nationale étaient quand même un tant soit peu particulières...
Je disais donc que l'article était très intéressant. Auriez-vous des conseils bibliographiques (FR/EN) sur le sujet traité ?
Merci beaucoup.
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