3.7.06

L'Etat, l'économie, le monde colonisés

Aujourd'hui je suis flemmard, je ne vais balancer aucun lien. Je vais juste parler de choses et d'autres et te laisser, toi lecteur, te démerder pour trouver des infos sur le net.

C'est l'histoire d'une grande réussite française, EADS. EADS est une grande réussite française.

On a tout d'abord appris qu'un de ses dirigeants, un certain Gergorin, était plus que mouillé dans une sombre affaire politico-financière française, l'affaire "Clearstream". Apparemment, le bonhomme semble quelque peu bavard, et va même jusqu'à dire que l'industriel Jean-Louis Lagardère aurait été assassiné par la maffia russe. Ce groupe a aussi comme employé un certain Imad Lahoud, spécialiste en sécurité informatique et en traficotage de fichiers. Il aurait, la justice le dira bientôt nous l'espérons, ajouté le nom de quelques personnalités politiques (dont Strauss-Kahn, Fabius, Sarkozy, etc.) à un listing de destinataires de fonds occultes.

EADS, donc, un groupe né à la suite d'un mic-mac franco-allemand (notamment), visant à créer un leader mondial de l'aéronautique. Jean-Louis Lagardère, à l'époque, aurait été, d'après le Canard Enchaîné de cette semaine, victime d'un chantage fiscal à la succession pour nommer Noël Forgeard à la tête du GIE EADS (avec un allemand), ce serait Chirac qui s'y serait livré, afin de placer à la tête d'EADS un ancien conseiller à lui. Ce même Forgeard, co-président d'EADS, aurait vendu plein de stock-options il y a deux mois, à un prix tout à fait intéressant, juste avant que le cours d'EADS ne s'effondre, à la suite de révélations (dont les premières datent de plus d'un an, via le Herald Tribune en mai 2005) concernant des retards de livraisons sur la nouvelle gamme A380 du groupe aéronautique. Le Comité d'Entreprise d'EADS, dans son compte-rendu du 24 février 2006, évoque un certain nombre d'éléments qui prouvent que les retards dans les livraisons, les dysfonctionnements sur la chaine de production, sont avérés. Ainsi, l'information selon laquelle EADS était en difficulté était publique depuis un an au moins, six mois au pire.

Passons sur les soucis d'une autre filiale d'EADS, Sogerma, qui a conduit Matignon à annoncer plein de mesures de sauvegardes de l'emploi. Je cite le nom simplement pour que toi, lecteur, tu puisses t'y retrouver dans la galaxie EADS.

Noël Forgeard plaide l'ignorance concernant cette vente d'actions tout à fait heureuse du point de vue de son propre patrimoine (plusieurs millions d'euros tout de même), et explique qu'en tant que co-président exécutif, il n'a jamais eu vent de ces difficultés de nature, dans ce genre de métiers industriels, à mettre une claque monumentale au cours de bourse, ce qui est tout à fait suprenant pour quelqu'un dont on peut penser qu'il est au courant de ce qui se passe dans une fililale, Airbus, qui représente tout de même 60% du chiffre d'affaires du groupe.

Arnaud Lagardère (fils et héritier de Jean-Louis) plaide l'incompétence dans une édition du Monde d'il y a quelque jours , et explique qu'il n'a rien vu venir. La vente, le 5 avril dernier, d'une partie de la participation du groupe Lagardère dans EADS n'est qu'un hasard absolu, une sorte de marque d'incompétence (vente ayant eu lieu deux mois avant le 14 juin, date où le cours de l'action est passé de 30 à 18 euros; notons que le groupe Daimler Chrysler s'est également, à cette date, délesté d'une partie de sa participation).

Face à ce bordel, le ministre de l'économie, le premier ministre, et le Chef de l'Etat français décident de prendre le problème à bras le corps. Le protégé de Chirac, Forgeard, son ancien conseiller, sera sacrifié, et se fait donc virer.
Le PDG d'Airbus, un allemand, se fait lourder au profit d'un français, Christian Streiff, malheureux ex-héritier de Jean-Louis Beffa à la tête d'une autre firme française Saint Gobain.

La place de Forgeard est vide, qui mettre à la place? Facile : Louis Gallois, administrateur d'EADS, et PDG de la SNCF, ancien condisciple de Juppé à l'ENA, ancien directeur de cabinet de Chevènement à l'Industrie (ministre socialiste). Seulement, qui va remplacer Gallois à la SNCF? Est-ce Guillaume Pépy, actuel Directeur Général de la SNCF, qui a toutes les compétences semble-t-il pour succéder à Gallois? Hé bien non, car Pépy a une tare ineffaçable, c'est un ancien directeur de cabinet de Martine Aubry, ministre de gauche.

C'est une juppette du nom de Anne-Marie Idrac, ancienne secrétaire d'Etat aux transports de Juppé donc, et présidente de la RATP, qui succèdera à Gallois à la SNCF. Mais alors, on peut se poser la question : qui va remplacer Mme Idrac à la RATP?

Tout simplement un haut fonctionnaire qui cherchait un point de chute, un certain Pierre Mongin, qui était jusqu'à présent directeur de cabinet d'un certain Dominique de Villepin, Premier Ministre de la France de son état, et de son Etat.

Aujourd'hui, j'étais très énervé. J'ai pensé un instant que c'était mon aversion envers les expressions toutes faites, comme "blanc bonnet et bonnet blanc", ou "copain comme cochon". En effet j'ai vu, entendu, et lu des dizaines de fois l'expression "chaises musicales" pour qualifier cette pantalonnade que je te décris là cher lecteur, cette succession de démissions/nominations aux plus hauts niveaux. J'en ai marre d'entendre cette expression.

M'est avis que ce n'est pas pour cela que j'étais enervé. Pourquoi j'étais enervé, d'après toi, lecteur? Est-ce parce qu'on assiste à la déconfiture des big boss d'une réussite française, EADS? Est-ce parce qu'on s'aperçoit que dans les entreprises du secteur public et para-public, le copinage, et les accointances politiques sont plus importances que la compétence?

Non, c'est juste parce que le travail de milliers de salariés, techniciens, ingénieurs, d'un groupe industriel, est littérallement saccagé par la bande de gangsters qui a mis la main dessus. Que la facture de cette pantalonnade sera in fine payée par les clients finaux, les consommateurs, les contribuables, par toi, par moi, pendant que quelques personnes se gaveront en plus-value, en prise de position à des postes importants. Que les actionnaire salariés ont vu les espoirs qu'ils mettaient dans la boite dans laquelle ils travaillaient complètement piétinés. Que les petits porteurs, forcément moins au courant que les big boss, ont vu leur investissement diminué.

Demain, quand quelqu'un me dira que le capitalisme est sauvage, et injuste, je sens que je risque de devenir vilain. Le capitalisme prédateur, c'est le "capitalisme" d'Etat. Chaque jour donne une nouvelle preuve de ce fait indubitable: copinage, magouilles, prédation sont les trois mamelles de l'Etatisme industiel, du collectivisme économique.