20.8.04

Laïcité

Chacun sait qu’à « Chacun pour soi », nous sommes de grands fans de Catallaxia. Il n’empêche que, de temps à autre, j’y lis des articles qui me font hurler, celui-ci par exemple.

Ce chef-d’œuvre de la pensée politique contemporaine, rédigé à la première personne du pluriel et sobrement intitulé « Les paroles du Cardinal Ratzinger ne sont pas sans rappeler les propos des fondamentalistes musulmans » se veut un commentaire à un interview du Cardinal Ratzinger au Figaro. Le boss de la Congrégation pour la doctrine de la foi est loin d’être mon cardinal préféré, mais la mauvaise foi crasse dont fait preuve le sieur Perrot à son égard me rendrait sympathique jusqu’à José Bové.

Notre pourfendeur d’obscurantisme à la petite semaine commence sa philippique par un sermon extraordinairement convenu au sujet de Dieu et de la souffrance - on l’imagine sans peine penché sur son clavier, la sueur au front après l’extraordinaire effort intellectuel qu’il vient de fournir, s’écriant « prend ça dans la gueule, sale corbeau ! » Le lecteur est ensuite régalé de trois paragraphes d’histoire de France délicieusement « républicains » où sont rappelés les méfaits de la foi et les vertus de la « philosophie ». Une étrange absence cependant dans ce magistral panorama historique, la Terreur et le génocide vendéen, grand moments de l’Histoire de la Philosophie, du moins celle qui est si chère à notre Michelet de fin de série.

Mais la substantifique moelle de la perrotine démonstration ne concerne pas l’histoire, mais la laïcité. Mgr Ratzinger a en effet commis un acte de lèse-philosophie capital, celui de critiquer ce qu’il appelle le « laïcisme », soit l’idéologie anti-religieuse à tendance totalitaire professée par le sieur Perrot et ses pareils. Notre Voltaire de Prisunic croit déceler une contradiction dans les propos du cardinal lorsque celui-ci déclare par contre être favorable à la laïcité, principe libéral selon lequel les autorités religieuses ne peuvent exercer la puissance publique, ni la puissance publique se mêler des affaires religieuses. La soi-disant contradiction n’existe évidemment que parce que le sieur Perrot confond son idéologie préférée et un principe d’organisation institutionnelle. Dans le monde du sieur Perrot, l’état a le droit, que dis-je, le devoir de propager la « philosophie » qu’il professe, toutes idées concurrentes étant vouées « à la sphère privée », euphémisme signifiant en réalité « à disparaître, et vite ».

Mais ce qui plus que tout suscite l’ire perrotine, et qui lui inspire le titre rageur de son pitoyable pamphlet, c’est le constat du cardinal – d’ailleurs partagé par tous les experts en la matière – que l’islamisme est au moins partiellement une réaction contre un laïcisme acharné qui prétend bannir le discours religieux de l’espace public. Car s’il est une chose à laquelle répugne notre ami de la « raison », si prompt à déceler les fautes de l’Eglise, c’est bien de devoir s’interroger sur les erreurs que son camp pourrait avoir commises. Voilà pourquoi, sans crainte aucune du ridicule, il assimile odieusement Mgr Ratzinger à Oussama Ben Laden.

Pareils textes n’ont pas à mon avis leur place sur un site libéral. Le libéralisme doit au contraire réhabiliter le véritable sens de la laïcité et défendre l’idée que l’espace public est ouvert à tous, croyants ou non, et que chacun est libre d’y défendre les idées qu’il veut. Aucune idéologie officielle, fût-elle même fondée sur la « raison », n'est donc acceptable.

3 commentaires

Blogger melodius a écrit...
Fabrice, vu le ton un peu dur de mon article, je préfère le publier ici plutôt que sur ton site.
à 1:22 PM
 
Blogger Taranne a écrit...
Les contes de Perrot sont toujours intéressants dans la mesure où ils rétablissent quelques vérités par trop ignorées... sur la nature authentique de cette "laïcité" que le monde entier ne nous envie pas. Il est toujours bon, en effet, de rappeller que non, les laïcards ne sont pas tolérants (même s'ils sont très pointilleux sur la tolérance qui leur est due) et que leur but n'est pas la défense de la liberté de conscience, mais bien de l'idée particulière qu'ils se font de celle-ci. Je trouve du reste assez comique de nommer "libres penseurs" des gens dont les réactions et les propos sont aussi prévisibles, aussi systématiques...
Comme je l'ai dit naguère sur mon blog, la séparation du politique et du religieux est un préalable à tout état de droit. Elle ne saurait pour autant se traduire par un bannissement du religieux de l'espace public, ni sa règlementation par le gouvernement. C'est pourquoi je suis hostile à la loi sur le voile, comme à toute loi visant à pénaliser des pratiques religieuses qui ne nuisent ni au droit d'autrui ni a l'ordre public. Je suis donc - une fois n'est pas coutume - pleinement d'accord avec Melodius, et je regrette que de nombreux libéraux (cf. Mario Vargas Llosa, dans un article récent) se laissent aller sur une mauvaise pente.
à 3:30 PM
 
Blogger melodius a écrit...
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
à 4:39 PM
 

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