5.12.04

La double tentation

A titre personnel, je considère que deux tentations menacent les libéraux et libertariens : la dissidence et l'oecuménisme, qui sont en réalité les deux faces d'une même médaille. L'oecuménisme consistant à estimer qu'est allié du libéralisme quiconque s'oppose à la "gauche" me paraît relever de la basse politique. J'observe qu'il est très présent dans les milieux libéraux français - où règne, hélas, la pensée binaire.

Cette volonté oecuménique de rassemblement droitiste caractérisant certains libéraux découle d’un autre piège intellectuel : celui de la dissidence, aussi paradoxal que cela puisse sembler. Je m'explique : à force de se croire bannis de la société des hommes - tous évidemment égarés, tous rongés par le gauchisme galopant -, ils finissent par se complaire dans une sorte de bantoustan culturel qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer, notamment par une attitude de souverain mépris pour leurs contemporains et, surtout, leurs compatriotes. La culture de l’excuse serait, en l’espèce, mal venue ! On le voit : considérer que la France est corrompue par les idées de gauche et avilie par les "médias unanimement gauchistes" - rengaine entonnée en choeur par la plupart des "libéraux", notamment au début de la guerre en Irak - permet de se positionner en Soljenitsynes de Foire du trône. Ahh, comme on doit se sentir héroïque en allant planter des OGM, en pensant que c'est le fin du fin du combat libéral. Comme si politiser une simple préférence alimentaire représentait une noble cause !

Ce faisant, le risque est grand que nous pactisions avec des groupes politiques qui, analysés superficiellement, peuvent apparaître proches en certains points de nos idées. Mais les mots ne font pas les principes ni les pleurnicheries anti-gauche une cohérence politique et intellectuelle. Le fusionnisme serait fatal à la cause libérale et libertarienne. De John Locke à Ludwig von Mises, en passant par Benjamin Constant, le libéralisme classique ne s’est jamais confondu avec les délires bellicistes et impérialistes non plus qu'avec le mercantilisme ou encore la conquête pour le monopole de la violence politique. Au contraire, ces idées, dignes de figurer dans un musée de la tératologie politique, il les a inlassablement dénoncées - quelle qu’en soit la couleur politique dont elles étaient superficiellement revêtues. Aux libéraux et libertariens de maintenir cette tradition, sous peine de ne jamais réussir à convaincre le public de leur sincérité.

7 commentaires

Blogger RonnieHayek a écrit...
Merci beaucoup, Eskoh !
à 5:21 PM
 
Blogger Sous-Commandant Marco a écrit...
Il y a peut-être plus d'espoir que les idées libérales "passent" avec la gauche libertaire que chez la droite conservatrice ou gaulliste (dont on sait ô combien elle a d'intérêts à faire protéger par l'état). Personnellement, je me sens plus proche de Cohn-Bendit que de de Villiers.

Mais il faut bien reconnaître que des années de propagande anti-libérale (terme que la gauche et la droite françaises collent comme une étiquette infamante sur tout ce qui ne leur plait pas) ont porté leurs fruits amers. "Pour les gens normaux, les libéraux, c'est Madelin, Bush et Sarkozy". C'est à peu près ce que j'ai lu sur le blog de O quand j'essayais de lui expliquer que Sharon ne mène pas précisément une politique libérale. Un peu excessif, mais pas faux, hélas.

Sarkozy, qui propose que les contribuables financent les mosquées et les églises, peut copier Bush et se faire traiter de libéral par la gauche et une bonne partie de la droite.

Alors que faire? Sans forcément jeter l'anathème sur les libéraux égarés qui ont soutenu la guerre en Irak, il faut continuer de montrer que le libéralisme n'est pas mono-bloc et qu'il a des racines françaises autant qu'anglo-saxonnes. Que ce n'est pas une idéologie, mais l'absence d'idéologie. Que c'est une philosophie élevée qui, comme l'albatros, est maladroite quand on la fait descendre sur un terrain qui n'est pas digne d'elle.
à 12:38 AM
 
Blogger Octavius a écrit...
Tout à fait d'accord avec toi, Ronnie.

Lorsque les libéraux cesseront de se contenter de se battre uniquement sur les sujets économiques et aborderont également les domaines juridiques, sociaux, internationaux (...), il pourront enfin être pris au sérieux.
à 8:16 AM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
A mon avis, tu mésestimes l'impact que peuvent avoir nos idées. C'est cela, essentiellement, qui importe. En outre, je me méfie du militantisme politique, car il ne fonctionne réellement que dans le sens d' une demande d'intervention étatique. Regarde Liberté chérie qui a, par exemple, défendu la guerre en Irak, c'est assez typique du mot d'ordre "volontariste" caractéristique du monde politique.

Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre de l'eau dans notre vie à notre stade microscopique. Sinon, qu'est-ce que ça donnera quand nous serons plus nombreux ?
à 11:06 PM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
Je voulais évidemment parler d' "eau dans notre vin".
à 11:08 PM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
Cher Vincent,

Ce qui me gêne dans l'action "OGM", c'est le fait de politiser un choix de nourriture. Montrer son opposition aux arrachages de Bové, fort bien et j'approuve ! Mais l'action de LC allait plus loin: elle prenait symboliquement fait et cause pour les OGM. Or, à mon sens, ce n'est pas notre problème: nous sommes là pour défendre le droit de propriété légitime et, partant, ridiculiser les vandales ne la respectent pas. C'est tout, mais c'est déjà beaucoup.
à 7:04 PM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
Je critique d'autant moins l'ensemble des initiatives de LC que j'ai soutenu plusieurs d'entre elles. Ainsi, j'ai rendu l'hommage qu'ils méritaient aux articles que l'ami Damien a fait paraître sur le site de l'association. De plus, c'est avec plaisir que j'ai envoyé quelques brèves présentations de livres libéraux via le forum "Lectures" de liberaux.org - présentations dont j'ai vu avec avec plaisir que LC en avait retenu quelques unes.
à 9:45 PM
 

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