Hypocrite euphémisme
Le sympathique Anthony Gregory, collaborateur de l'Independent Institute, vient de publier un article réduisant à néant l'hypocrite euphémisme employé par les bellicistes de tout poil : "les dommages collatéraux". Ce texte montre implicitement que le premier reproche que les libertariens doivent adresser aux fauteurs de guerre n'est pas l'impôt payé à cette fin, mais la destruction des vies innocentes qu'entraîne cette folie criminelle.Dans la même veine, Gregory rappelait récemment à certains liberventionists qui s'enthousiasment derrière leur clavier pour la guerre en Irak et défendent les exactions commises par les troupes US que la torture est pire que le contrôle des loyers.
Le droit de ne pas être brutalisé et tué est le premier droit naturel de chaque homme.
16 commentaires
Ceci dit je pense qu'il est important, aux fins d'éviter le sophisme de la question complexe, de séparer clairement le concept de guerre de la façon de la faire.
En effet, une bombe tue forcément des civils - si on commence à accepter de tuer quelques civils pour éliminer un criminel, pourquoi ne pas tuer cinq milliards de civils pour éliminer un million de criminels?
Pour autant, le fait qu'il soit absolument illégitime de bombarder ne signifie nullement qu'une personne privée (physique ou morale) n'aurait pas le Droit de tuer (avec des armes permettant de cibler individuellement) des assassins et des tortionnaires en Irak parce qu'il est Américain.
Si l'analogie de l'hotage est un sophisme pro-guerre, le non sequitur anti-guerre qui consiste à partir du principe que la guerre consiste par essence à bombarder et à conclure qu'il est interdit de s'organiser pour tuer un tortionnaire étranger ne vaut guère mieux.
Pour la fin de ta réponse, je te dirai simplement que la guerre implique forcément l'implication d'Etats. Je sais que tu n'es pas d'accord, mais c'est pourtant un fait objectif. ;-)
Sur le texte de Gregory lui-même: (1) il applique un bizarre "principe de précaution" en exigeant une preuve d'innocuité unilatérale absolue avant toute action militaire. Deux poids deux mesures. (2) Il fait une distortion complète de la situation d'un hôtage. Un hôtage ne sauve pas sa vie en
tuant la troupe anti-gang pour confirmer le pouvoir de ses ravisseurs; d'ailleurs, s'il avait une arme, c'est contre le ravisseur qu'il l'utiliserait, pas contre la police.
(3) la dissuasion nucléaire ne suppose pas que les gars d'en face veuillent protéger leurs civils, éradiquer le mal, ou faire quelque calcul utilitariste collectiviste, mais qu'ils veuillent protéger leur propre pouvoir individuel; Kim Jong Il et/ou ses sbires savent (on l'espère) que leur pouvoir s'écroulera s'ils déclenchent une guerre. C'est pourquoi des vrais croyants allumés de Dieu ou de Marx sont plus dangereux que des dictateurs: ils peuvent faire tout sauter rien que par idéologie. D'où la nécessité d'agir en Iran, au Pakistan, etc.
(4) Gregory fait la pétition de principe que le choix d'un moindre mal est inhérent à la prise de décision collective. C'est complètement faux. Un choix individuel peut tout aussi bien voire d'autant plus être confronté à de tels choix. Le sophisme collectiviste est dans la prétention d'universalité collective du critère du choix.
(5) Tu as bien mis en avant la question complexe qui veut associer au principe de faire la guerre les moyens de le faire (par l'État coercitif plutôt que par des brigades volontairement organisées), les bonnes actions commises aux exactions commises, etc.
Je m'oppose à la culture du blé par le gouvernement. Je ne m'oppose pas à la culture du blé en général.
Ronnie: Et si je prends mon flingue pour aller buter Saddam, qui est censé m'en empêcher, au nom de quel principe et avec quels moyens?
Faire abattre avec l'aide de fonds privés volontaires un tyran ne constitue pas un acte de guerre, autrement dit. Du moins, si l'on veut parler en termes précis. D'ailleurs, le tyrannicide a été défendu par plusieurs philosophes libéraux, de La Boétie à Locke ; la guerre, par aucun (cf. le beau texte de Mises dans son "Libéralisme").
Enfin, on écrit "otage" pas "hôtage".
Faire abattre avec l'aide de fonds privés volontaires un tyran ne constitue pas un acte de guerre, autrement dit.
Je pense que tu as tout dit : il s'agit simplement d'une question lexicale, pour le reste nous sommes d'accord. Dans ton langage, ça s'écrit "non à la guerre, oui au tyrannicide". Dans le mien, "la guerre n'autorise pas à commettre des crimes". Mais concrètement, les actes permis et interdits sont les mêmes.
Les libéraux s'accordent donc le droit de décider qui est et n'est pas un tyran et peut donc être abattu à ce titre?
J'avoue que ça m'étonne...
Argument fallacieux. Ce qui autorise n'importe qui à abattre un tyran, c'est le fait qu'il agresse physiquement des innocents. Personne n'a à "s'accorder" ce droit, puisque c'est le tyran lui-même qui le fait, par ses actes.
Ceci n'est que la conséquence du principe de réciprocité, lui-même relevant de l'Egalité en Droit : quiconque viole un Droit le perd dans la même mesure.
Désolé, mais ça c'est de la réthorique. Dans les faits, les vrais, la réalité, il faut toujours décider, trancher, mettre des seuils, tracer la limite entre ceux qui font et ceux qui ne font pas. Celui qui "agresse physiquement des innocents", et celui qui ne le fait pas.
Et ce sont toujours des êtres humains qui décident de ce genre de choses, qui est innocent, qui ne l'est pas, qui est un tyran, qui ne l'est pas.
Ce n'est jamais un principe qui tranche, c'est toujours une décision huamine.
Si tu es contre la peine de mort, c'est ta morale personnelle. Ca ne sera jamais la position libertarienne universelle.
En particulier, sans vouloir trop m'avancer, je ne suis pas certain que la liste des meurtres commis par Saddam Hussein soit rigoureusement égale à la liste des meurtres commis par l'Etat baasiste qu'il dirigeait.
Raisonner sur des Etats comme l'on raisonne sur des individus, que ce soit dans un sens (la sur-responsablilisation) ou dans l'autre (la sous-responsabilisation, comme dans l'affaire du sang contaminé en France, avec le fameux "respobsable mais pas coupable") conduit à des erreurs d'appréciations.
Malheuseurement, comme on l'a vu, les Chirac, Rumsfeld, et autres dignitaires occidentaux se sont succédés dans les palais de l'ex-raïs irakien, ce qui complique un peu la donne quant à la justification du concept de "légitime défense" que les pro-guerre peuvent invoquer.
En d'autres termes: frapper l'Etat irakien (les irakiens, devrais-je dire, au vu de ce que la très sérieuse et très compétente armée américaine a fait) parce qu'il aggresse des civils, ou sauver la mise d'une mémé qui se fait attaquer dans la rue par un loubard sont deux choses distinctes.
En d'autres termes, et je ne le répèterai jamais assez: la question de l'Irak n'a rien à faire sur le terrain libertarien.
Je sais bien que je manque de crédibilité parce que de mon côté je ne propose aucun cadre de réflexion sur ce sujet, et j'en suis désolé.
Sur le débat qui nous occupe ici, je penche plutôt du côté de Ronnie sur un plan théorique.
Cependant, je ne perds pas de vue qu'avec Jabial, nous avions tenté de démontrer qu'une action isolée par un groupe restreint de mercenaires pouvait aider à sortir de cette relation d'Etat à Etat.
C'est compliqué, tout ça, et je sais bien que la ramener pour dire que tout le monde a faux a quelquechose d'arrogant.
N'oubliez jamais, comme le veux ma devise, que moi, c'est comme vous mais en mieux! :)
Tout à fait, je suis parfaitement d'accord.
"Ce n'est pas moi mais toi qui fait de la rhétorique, en essayant de faire passer l'exécution d'un criminel pour un meurtre."
Je n'ai jamais dit ça. Pas une ligne de ça. Montre-moi. Et je n'ai jamais dit "que personne n'a le droit de décider qu'un voleur est un voleur et de lui prendre son argent."
J'ai juste dit que décider de l'éxécution d'un criminel est une décision humaine, soumise à tous les risques de toute décision humaine, et qu'il fallait accepter cela, accepter que les décisions humaines, dont celle-là, sont prises avec un certain niveau d'informations et de réflexion, peut-être discutables, peut-être soumises à des intérêts multiples, peut-être pas tous nobles, peut-être soumises à des pressions, volontaires, involontaires, conscientes, inconscientes, bien ou mal intentionnées, qu'elles sont fragiles, imparfaites, faillibles, transitoires, et sûrement pas absolues, infaillibles, parfaites et pures comme un principe moral. Et c'est à partir de ces données-là qu'il faut construire sa réflexion et son argumentation.
Je ne dis pas qu'elles sont mauvaises, mais je pense que se draper dans la certitude d'un principe moral absolu et considéré comme infaillible et parfait parce qu'il est semble-t'il basé sur la raison est risqué et, je pense, dangereux. C'est du cartésianisme très illusoire, penser que la logique pure, argumentée sur des principes de droits naturels, permet d'apporter des réponses satisfaisantes aux problèmes concrets qui se posent.
Et il me semble que c'est un probème général de la pensée libérale sur ces pages, de faire fi des situations concrètes, et de réfléchir à partir de principes théoriques, qui se tiennent logiquement dans un univers simplifié construit à partir de quelques axiomes partagés.
Il y a et il y aura toujours une décision humaine derrière chaque action humaine ; néanmoins ce qui caractérise le libéralisme en général, c'est le concept de "rule of law" - ce n'est pas un Prince qui pose les principes qui définissent la légitimité de ces actions, mais au contraire celui qui prend la décision doit se conformer à ces principes. C'est la différence entre l'arbitraire et la justice, tout simplement.
Moi qui était plein d'allant me voilà tout à coup refroidi.
Si j'ai été offensant, veuillez m'excusez, l'intention n'y était pas.
Je continuerais volontiers mon argumentation, mais j'ai peur que ce ne soit dans le vide.
Cela dit, j'estime avoir été traité un peu à la légère. Je n'ai pas parlé de cartésianisme comme d'autres parlent de libéralisme. J'ai parlé de cartésianisme (voir "Descartes" dans Wikipédia, je ne sais pas faire de liens, mais je trouve le texte relativement mesuré et honnête) comme un projet philosophique qui entend découvrir des certitudes absolues, à la manière de démonstrations mathématiques, au moyen des règles de la méthode, sur lesquelles je ne vais pas m'attarder ici, et au moyen de deux principes de découverte, dont le premier est l'intuition (considérant cela, je suis un peu surpris d'être considéré comme "utilisant des arguments fallacieux (en l'occurence l'appel à l'intuition)").
Je pense que, sans caricaturer ni dénigrer ses principes, le cartésianisme est dans l'erreur quand il entend déduire de l'observation du monde à l'aide de certaines règles (quelles qu'elles fussent) des "vérités universelles", des "certitudes absolues". La science moderne a abandonné ce projet même pour l'étude des phénomènes physiques naturels (je développe à la demande), alors je pense qu'utiliser ces principes pour l'étude de phénomènes sociaux est dans une large mesure illusoire.
Ce qui n'exclut pas de faire des généralisations, de poser des principes qui pourraient être considérés comme "valables en de nombreuses circonstances", par exemple. Mais des certitudes comme celles que propose le cartésianisme, cela me semble illusoire.
Pour le reste, il s'agit peut-être effectivement d'une simple divergence d'opinion, est-ce que les arguments proposés ici correspondent à ce cartésianisme-là ou sont-ils des arguments d'une discussion rationnelle mesurée qui sait se limiter aux vérités relatives qu'elle sait atteindre. Elle mériterait alors sans doute d'être creusée.
Mais si je vous ennuie, dites-le moi tout de suite, je suis civilisé, j'arrêterai sans aucun problème de réagir sur ces pages (ou d'autres qui en sont proches). Mais dites-le moi clairement alors.
En ce qui concerne le fond, je poste bientôt un article sur la question.
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