6.4.05

Le filet de sécurité

Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler de la bataille boursière qu'a livré Oracle, géant du logiciel, à ses compétiteurs PeopleSoft et JDEdwards.

Sans revenir à l'historique complet de cette affaire, rappelons que Oracle avait déposé une Offre Publique d'Achat, sur la totalité du capital de PeopleSoft; cette offre dût à plusieurs reprises être réevaluées pour convaincre les actionnaires de la société cible. En effet, la direction de PeopleSoft a fait preuve d'une résistance féroce pour empêcher Oracle de prendre son contrôle.

Malheureusement, la direction de PeopleSoft a perdu, les actionnaires ayant décidé d'apporter leurs titres à l'offre d'Oracle. Le PDG et fondateur, Dave Duffield, considéra qu'il portait la responsabilité de cet échec, son entreprise n'était plus indépendante, et les licenciements allaient vite arriver compte tenu de ce qu'Oracle avait annoncé précedemment. Il sentait qu'il avait une certaine responsabilité envers ses employés.

Dave Duffield créé The Safety Net
Qu'a donc fait Dave Duffield, après l'OPA, pour réparer ce qu'il considère être son tort?
Un article du East Bay Business Times nous apprend l'existence du fond The Safety Net.
Laid-off PeopleSoft Inc. workers facing financial troubles can apply for up to $10,000 in assistance from The Safety Net Fund, created by PeopleSoft founder and ex-CEO, Dave Duffield.
[..]

To be eligible for assistance a person must have: been a full-time employee at PeopleSoft as of Dec. 13, 2004, when the merger agreement was signed; been laid-off as a result of the merger; had a salary of less than $150,000 a year, and, been unsuccessful at finding comparable work three months after his firing.
The fund, the latest paternalistic gesture from co-founder Duffield, appears to be the first of its kind in the country.
Dave Duffield a donc monté un fond d'aide pour ses employés! Rappelons que ce n'est pas la première initiative de ce genre, outre-atlantique:
Charles Schwab set up a $10 million fund in March 2001 after the San Francisco stock brokerage bearing his name laid off 3,400 employees. The fund paid laid-off workers stipends of up to $20,000 over two years for college classes and other retraining efforts.
Les analystes de la Silicon Valley n'analysent pas cette initiative comme un acte de charité, mais comme le reflet de la culture d'entreprise de PeopleSoft, notamment portée par le fondateur David Duelfer:
Bruce Richardson, an AMR analyst, comments on the strong loyalty between Duffield and former employees: One of the intangibles lost in the merger was the strong PeopleSoft culture. Should Mr. Duffield decide he has one more start-up in him, he will have ...
En clair: ces employés virés, qui faisaient la valeur de PeopleSoft, ont une relation très spéciale avec leur ancien PDG: il est tout à fait clair que si ce dernier monte une entreprise dans quelques mois, tous les anciens employés voudront faire partie de l'aventure.

Le magazine 01 Informatique a decerné le mois dernier le titre d'entreprise la plus conviviale à la fililale française de PeopleSoft. Notamment, le comité d'entreprise dispose de 1.8% du chiffre d'affaires, les lois françaises imposant seulement 1% de la masse salariale (ce qui reviendrait à quelquechose comme 0.8% du chiffre d'affaires pour PeopleSoft).

Et si PeopleSoft était française?
La réponse est très très simple, le Dave Duffield français aurait:
- Appelé à une "solution franco-française" pour empêcher les actionnaires de vendre à Oracle, même si ils pensent que l'offre est plus intéressante que l'offre de l'Etat français. A ce titre, rappelons-nous de la fusion Sanofi-Aventis, où une entreprise Suisse a été écartée sur des motifs quasi-racistes
- Demandé à l'Etat de créer un "fond de solidarité spéciale pour les victimes de l'OPA", avec un Observatoire de la Distribution de Thune, le tout bien sûr financé par les impôts du peuple français (voir notamment les cas de Metaleurop, etc...)
- Exigé de rester à son poste de PDG, même après un échec personnel, en se chopant un gros paquet de stocks-options.

C'est le capitalisme d'Etat en France qui est sauvage et injuste, pas le capitalisme entrepreunarial de gens comme M.Duffield.