6.11.04

Le Franco-centrisme des libéraux français

Quand je lis sous la plume de Jacques Garello que, grâce à Bush, les USA vont revenir "aux principes fondateurs de la démocratie américaine, parmi lesquels le vrai fédéralisme, la séparation des pouvoirs, et par dessus tout le respect de la vie, de la propriété privée et de la liberté", je m'interroge sur le sens que l'éminent fondateur de l'ALEPS attache auxdits principes. De même, je reste plus que perplexe lorsque, dans sa lettre des Cercles libéraux, A. Madelin cite avec approbation Aznar pour nous assener avec un aplomb confondant : "La réélection de Bush ouvre aussi une période d’espoir pour la communauté internationale. Nous avons l'opportunité d’unir nos efforts pour créer un monde plus sûr et plus libre". Les auteurs des Guignols de l'Info auraient mis ces mots dans la bouche de la marionnette de Madelin, ils auraient été immédiatement traités de caricaturistes gauchistes malintentionnés...

Ces deux libéraux sincères confirment la maladie qui a atteint depuis quelques années leur famille philosophique et politique : la confusion malencontreuse de l'atlantisme béni oui-oui et impérialiste avec les fondements du libéralisme. Tout à leur "obsession anti-antiaméricaine", ils laissent les disciples français des néoconservateurs inflitrer le mouvement libéral. C'est à cette dernière veine - pénible et oiseuse - qu'appartient le pontifiant folliculaire Ivan Rioufol, le Revel du pauvre pour qui "les contraintes du Patriot Act, ces mesures antiterroristes accusées d'attenter aux libertés individuelles, ne sont rien comparées aux oukases de nos comités de salut public, qui poussent à hurler avec la meute." Non, ce n'est pas lui qui ouvrira le prochain Festival du rire de Rochefort !

En se positionnant comme défenseurs inconditionnels des pires décisions américaines, un Madelin ou un Garello, mais aussi beaucoup d'autres libéraux, commettent une erreur dommageable pour les idées de liberté et leur compréhension par les non-libéraux. En vérité, leur amour effréné d'une Amérique mythique découle de leur pessimisme foncier envers la situation française, si bien qu'ils se créent une patrie d'adoption.

A un exposé sur la vraie liberté qui pourrait se révéler passionnant, ils préfèrent le provincialisme des pamphlétaires avachis se préoccupant, non des faits, mais de ce qu'en dira la gauche. Dommage.

7 commentaires

Blogger Sous-Commandant Marco a écrit...
Juste pour rire un petit peu (en attendant l'apocalypse), je recommande la lecture de cet article, écrit par un néo-con très influent et qui préfigure sans doute les 4 prochaines années:

http://www.nationalreview.com/gaffney/gaffney200411051020.asp

La France et l'Allemagne figurent clairement sur la liste des ennemis de la liberté et, par ricochet, des Etats-Unis (hérauts et héros de la liberté cadeau de Dieu).

Alain Madelin, Ivan Rioufol, Guy Millière, Yves Roucaute et quelques autres vont bientôt rejoindre les rangs des combattants de la liberté, prendre le maquis et former un gouvernement de la France libre à New York.
à 5:58 PM
 
Blogger jabial a écrit...
Le Patriot Act est un texte antilibéral au possible, digne d'un régime fasciste, moralement indéfendable, politiquement injustifiable et utilitairement contre-productif.

Pour autant, entre les contraintes causées par le Patriot Act et celles que le pouvoir syndical et la sécurité sociale imposent en Europe de l'Ouest, je préfère encore le premier.

Par ailleurs, si vous lisez le Figaro d'aujourd'hui, vous constaterez que nous ne sommes pas loin du délire sécuritaire nous aussi : on a arrêté d'urgence un train pour en faire descendre et arrêter un Curé (oui, un prêtre catholique!) qui avait eu le malheur de couper une pomme avec son canif.

La France libre au Parti Républicain? C'est se moquer du monde ; par contre, la France libre aux Etats-Unis... Pourquoi pas.
à 10:51 PM
 
Blogger Sous-Commandant Marco a écrit...
Le problème profond du camp Bush, c'est ce qu'ils appellent la liberté ne coïncide pas avec la définition que lui donnent les libéraux (ce que Ronnie appelle "la liberté vraie"). C'est pourquoi les libéraux français qui soutiennent Bush se mettent le doigt dans l'oeil.

Les libéraux considèrent que la liberté s'arrête là où commence la liberté et la propriété d'autrui. On est vraiment libre lorsqu'on ne subit pas de contrainte, à part les contraintes naturelles et le respect d'autrui. Lorsque Bastiat écrit que Dieu nous a donné la liberté ( http://bastiat.org/fr/la_loi.html ), il veut dire que la liberté est inaliénable.

Pour les bushistes, la liberté s'arrête là où commencent l'Etat et la Bible. Plus précisément là où commencent des institutions, des croyances et des traditions plus ou moins dérivées de la constitution américaine et de certaines religions révélées. Lorsque Bush nous dit que la liberté est un don de Dieu, il veut dire que le code régissant la liberté est à trouver dans la Bible.

Il n'y qu'à lire Jacques Garello ou entendre Yves Roucaute pour comprendre que le "respect de la vie" dont ils ont la bouche remplie ne s'applique sans doute pas à la peine de mort (dont Bush fut un champion) ou aux populations irakiennes et que "leur liberté" ne comprend sans doute pas la liberté d'avorter ou de se rebeller contre l'Etat.

Autres exemples: la liberté de porter des armes ou de voter ne s'applique pas aux "felons" (condamnés en justice) ou aux "terroristes" (par exemple les insurgés irakiens).

En fait, non seulement ces libertés valent moins que la sécurité qu'apportent Bush et son équipe ("il ne peut pas y avoir de liberté sans sécurité" a-t-on entendu) mais le discours change maintenant pour nous expliquer que ces libertés sont fausses et inspirées par le démon, le terrorisme, la pornographie, le relâchement des moeurs, que sais-je.

Cependant, il faut reconnaître que la dictature qui pourrait résulter de ce régime (voir la partie News de http://www.house.gov/judiciary_democrats/index.html )serait, de même que la social-démocratie, beaucoup plus difficile à combattre que les dictatures totalitaires du 20ème siècle. Ces dernières avaient pour objectif la réalisation d'une idéologie, un idéal collectif tel que l'égalité ou la suprématie de la race aryenne. Elles étaient donc plus "visibles". Le néo-conservatisme a pris comme objectif la réalisation de sa définition de la liberté, qui reste malgré tout plus acceptable (même pour moi) que l'absence totale de liberté.

En résumé, mieux vaut être obligé d'aller prier tous les dimanches ou être soumis aux vexations du Patriot Act que d'être dans une des deux tours du WTC le 11 septembre ou bien encore envoyé dans un camp de travail ou dans une chambre à gaz, c'est indéniable. Pourtant, il ne faut pas nier que les fondamentaux d'une dictature totalitaire de la pire espèce sont bel et bien présents aux USA. Par exemple, l'expansionnisme pétrolier ressemble beaucoup au concept de "lebensraum" (espace vital) nazi. Mais, pour l'instant, nous n'en sommes sans doute qu'au stade du pangermanisme.

Pour répondre à Jabial, il est évident que la France et les pays européens sont moins libres, même aujourd'hui, que les USA. Mais les états européens sont complètement englués par la bureaucratie et l'inefficacité. Leur capacité de nuisance se limite à la taxation, à l'interventionnisme économique et, à la limite, à la destruction de quelques avions en Afrique.

L'Etat américain est lui beaucoup plus efficace. Sa capacité de nuisance est donc bien plus grande, en attendant que lui-aussi (en incluant ses affidés du secteur privé, le complexe militaro-industriel ou la future sécurité sociale privée que Bush prépare) souffre de la même obésité que les états socio-démocrates:

http://www.independent.org/newsroom/news_detail.asp?newsID=31

D'ailleurs, du point de vue libertarien, les Démocrates sont un moindre mal:

http://www.lewrockwell.com/orig5/gammar1.html
à 2:53 PM
 
Blogger Sylvain a écrit...
Ethylic, c'est le pseudonyme de qui ?
à 7:05 PM
 
Blogger RonnieHayek a écrit...
"Eskoh, et si c'était simplement le fruit d'individualités qui ne peuvent pas se blairer ? Dont l'une sous le prétexte de pureté des idées trouve toujours des raisons pour railler la seconde, et en fait pour railler tout le monde qui n'exprime pas leurs idées ?"

Ethylic, vous vous sentez menacés par nous ? Je pensais que nous n'étions qu'un groupuscule insignifiant ?

"Le libertarien est censé prôner la tolérance ? Il me semble au contraire que ces derniers mois j'ai vu des attaques ad-hominem plus que je n'aurais voulu le voir de la part de certains libertariens "anarcho capitalistes": des attaques sans cesse répétées, et en meute qui plus est."

Renseignez-vous avant d'écrire n'importe quoi. Je pense plutôt que certains lib-cons préfèrent la posture "Calimero" et considèrent que les mettre devant leurs contradictions revient à les censurer. Laissez-moi rire ! Curieusement, ils préfèrent alors se retier du jeu...

"La raillerie, la moquerie et autres sur libéraux.org sont, à mon sens, la preuve que certains sont, au mieux des agitateurs au pire de vulgaire fouteurs de merde."

Erreur: les fouteurs de merde sont partis sur un autre forum (parce qu'ils le voulaient et avaient planifié leur action en ce sens)...

"Sans compter que, les dits individus veulent une adhésion forcée aux idées qu'ils défendent (par ce que, bien entendu, ce sont les meilleures idées, puisque écrites dans les petits livres rouges de leurs maîtres à penser)."

Ben voyons ! Je vous force à adhérer à mes idées ?

"Bref: le merdier est la résultante de l'arrogance, de l'insulte, et de l'attitude franchement décourageante d'individus comme l'auteur de cet article."

Les libertariens que nous sommes seraient donc si puissants ? Merci du compliment !
à 8:59 PM
 
Blogger Sous-Commandant Marco a écrit...
Pour finir sur le sujet des libéraux qui adoptent le comportement des bolcheviques, voici un extrait de l'éditorial de Garello, tel que cité par RonnieHayek:

"Cela signifie en second lieu la remise en ordre des finances publiques, malmenées par l’effort de guerre mais qui seront soulagées [blablabla)"

Garello voit bien que l'administration Bush est la plus dépensière depuis des décennies, mais il excuse cet étatisme par "l'effort de guerre".

A l'époque où je débattais sur le forum fr.soc.politique de Usenet (vers 1996), je me souviens avoir entendu le même argument pour excuser le stalinisme (je cite de mémoire): "l'URSS était en guerre larvée avec les pays capitalistes, témoin la guerre civile contre les Russes blancs qui a duré jusqu'en 1921, donc il était normal que Staline prenne des mesures répressives. C'est le communisme de guerre."

Pas plus de commentaire.
à 12:43 PM
 
Blogger Sous-Commandant Marco a écrit...
Grâce à Ethylic, je viens de réaliser que les dépenses publiques américaines, hors budget de "défense", ont augmenté de seulement 25% en 4 ans! Et que cela n'a strictement, mais alors strictement rien à voir avec l'augmentation du budget de Medicare, le programme "No Child Left Behind" ou la hausse des subventions à l'agriculture et aux organisations religieuses.

Me voilà rassuré, car les trostskistes altermondialistes de www.lewrockwell.com appellent de leurs voeux cette politique:

http://www.lewrockwell.com/orig5/tuccille-jd4.html

Ce doit être parce que c'est une nationalisation rampante de l'économie. Je continue néanmoins à les surveiller, des fois qu'ils se mettraient à critiquer un peu trop le libéral Bush, ces serpents lubriques!

Pour ajouter à mon auto-critique, l'égaré que je suis pensait que seuls les socialistes et les étatistes ont recours aux déficits publics (400 milliards de $ par an) et à la planche à billets pour financer leur politique expansionniste. Je suis ravi d'apprendre que les libéraux peuvent désormais faire de même! C'est vrai quoi, il n'y a pas de raison que tout le monde ne puisse pas se servir dans la caisse!

Me voilà remis dans le droit chemin. Merci M. Ethylic de nous éclairer de la lumière de la liberté. In vino veritas, comme on dit. Amen.
à 11:21 AM
 

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