Libertés publiques? Une vieillerie pour Di Rupo
Il a été un peu question cette semaine de la
monopolisation des studios RTBFéens au cours d'une émission sur l'état et l'avenir de la Wallonie par
Elio Di Rupo, alias le sourire au socialisme entre les dents. Quelle surprise, tout le monde ignorait la mainmise du PS sur la chaîne publique francophone !
En revanche, médias et partis "démocratiques" se sont abstenus de tout commentaire à une inquiétante sortie du même potentat parue la semaine dernière dans
Le Soir magazine, en réaction à "l'affaire Léonard":
"
Ce qui est inacceptable ici, c'est qu'un homme d'Église interfère de la sorte avec l'autorité civile et mette en cause ce qui est la loi. Que monseigneur Léonard ait son sentiment, c'est son droit. Mais, ici, il discute la loi, ce qui pourrait, à l'avenir, faire l'objet de poursuites judiciaires."
Il est difficile d'être plus clair: pour les socialistes, chacun a le droit d'avoir son opinion personnelle sur tout, mais doit s'abstenir de l'exprimer publiquement. Celui qui n'est pas d'accord avec l'idéologie progressiste dominante est donc menacé d'emprisonnement, ou en tout cas de lobotomie rééducative (voir ce qu'en disait Murray Rothbard dans cet
article plein de prescience).
Voici pourquoi je reste sceptique quand nous, libéraux, pensons qu'il suffit de nous intéresser aux "libertés privées". Ce faisant, nous risquons d'assister sans broncher à l'effondrement définitif de ce qui constitue l'armature d'une société de droit, je veux parler des libertés publiques (parmi lesquelles la liberté d'exprimer ouvertement son opinion sans crainte d'être traîné devant les tribunaux occupe une place éminente). En guise d'avertissement, je rappellerai donc cette observation du grand philosophe
Michael Polanyi:
"
Ce qui caractérise une société libre, c'est l'éventail des libertés publiques à travers lesquelles l'individu peut jouer socialement tout son rôle, et non le champ laissé aux libertés personnelles sans effet social. Inversement, le totalitarisme n'a pas pour intention première de détruire toute liberté privée; ce sont les libertés publiques, bien plutôt, qu'il prend pour cible. En effet, dans la conception totalitaire, les actions personnelles indépendantes ne sont jamais de nature à réaliser une fonction sociale; quant aux responsabilités publiques, elles incombent toutes à l'Etat. Alors que la conception libérale de la société accorde au contraire un rôle décisif, dans la vie publique des nations, à la liberté individuelle. Ces considérations obligent à remettre en cause la distinction entre les deux aspects, public et privé, de la liberté. Certes, tous deux doivent être protégés; mais il est fatal au premier d'être fondé sur le second et d'être, comme cela arrive souvent, revendiqué en son nom."
(in
La Logique de la liberté, PUF, 1989, p. 200.)
Les Enjeux de "l'affaire Léonard"
S'il y a un scandale dans
"l'affaire Léonard", il réside dans
la cabale médiatico-politico-associative dirigée contre l'évêque de Namur.
Cette opération cherche à faire rentrer l'Église dans le rang organisé par les révolutionnaires institutionnalisés qui nous dirigent. Les commentaires, interchangeables (quelle surprise !), insistent sur le fait que Mgr Léonard aurait le front de contester des législations en vigueur. Voyez-vous ça ! Je trouve assez désopilant que cette critique émane de politiciens qui, depuis des années, passent leur temps à modifier l'arsenal juridique (à commencer par la Constitution, si éloignée de sa fonction originelle), de surcroît dans le but de transformer radicalement la société et de la faire cadrer avec leurs utopies. La démocratie ne fonctionnerait donc que dans le sens de la révolution sociale et perdrait toute vertu quand il s'agit de protester contre le prétendu sens de l'Histoire - du reste, s'il est si irréversible que ça, on se demande bien pourquoi ses concepteurs tiennent tellement à censurer ceux qui s'y opposent. En vérité, c'est la fermeté et l'intransigeance morale de Mgr Léonard qui est bel et bien visée. À cet égard, que quelqu'un qui prône la fidélité dans le couple soit de nos jours considéré comme un dangereux incendiaire, voire un fanatique méritant d'être châtié avec la plus grande sévérité, devrait donner à réfléchir sur l'état de notre société. Comment nos progressistes pourraient-ils accepter qu'un homme investi d'une autorité ne devant rien aux états-majors de partis ni au suffrage de clientèles politiques puisse leur tenir la dragée haute ? Je pense notamment à cet extrait percutant de l'interview du "Télémoustique", dans lequel, commentant la dépénalisation de l'avortement, il note avec une ironie toute swiftienne : "
Ceux qui ont adopté ce texte sont déjà nés. C'est le seul cas d'une loi qui ne concernera jamais ceux qui la votent. Si la loi avait des effets rétroactifs et qu'au moment de voter, devaient mourir ceux qui ne seraient pas nés 40 ans plus tôt à cause de la législation, peu de parlementaires appuieraient sur le bouton vert, parce qu'ils se sentiraient concernés."
Comme il est ensuite impossible aux progressistes de toutes les familles politiques de répondre, après une telle estocade, sur un terrain moral sans se ridiculiser, ils optent pour la diabolisation la plus manipulatrice. C'est ainsi que la liberté d'expression, tant vantée quand il s'agit de défendre le droit de caricaturer un prophète, est frappée de nullité quand un homme d'Église désapprouve publiquement les décisions du législateur lorsqu'elles touchent à l'organisation de la famille et surtout à la vie humaine. Pour faire taire le dissident et le vouer à l'exécration du bon peuple, les particrates retournent le sens du mot "laïcité", si bien que le seul discours public autorisé est désormais celui du camp progressiste. En renvoyant toute opinion divergente à la sphère privée, nos maîtres ambitionnent de mieux contrôler l'opinion publique et d'imposer leur nihilisme à tous. Dans ce registre, le CDH (ex-sociaux chrétiens), dont la veulerie ne connaît aucune limite, n'est pas le dernier à sonner l'hallali pour la mise à mort médiatique de l'évêque. Cette obsession anticléricale ne laisse pas de m'inquiéter : les particrates voudraient organiser une
Église dans le socialisme, sur le modèle de ce qui se passait en ex-RDA, qu'ils ne s'y prendraient pas autrement. La presse "catho" est déjà à leur botte; ne reste plus qu'à intimider et soumettre définitivement l'institution elle-même. Pour ce faire, le chantage idéologique auquel se combine le flicage de la parole constituent
le glaive et le bouclier de la social-démocratie "libertaire".
Sur le
rejet de la différence que manifesterait Mgr Léonard, là aussi nous assistons à un renversement orwellien de la réalité. En effet, l'évêque rappelle au contraire que, pour l'Église, le mariage est l'union entre deux personnes de sexe différent. Il déplore que le pouvoir politique détourne le sens des mots en nommant "mariage" un simple contrat civil. Obliger l'Église à accepter ce rapt sémantique, c'est lui demander d'abandonner une partie de sa doctrine. En d'autres termes, c'est la priver de son identité et refuser sa différence par rapport au
mainstream. De la sorte, au nom du droit à la différence, ne doit plus être entendue qu'une longue mélopée approbatrice. L'unanimité doit régner par la force de la loi, qui sanctionnera toute dissidence. On voit donc bien le véritable enjeu de cette affaire : séculariser totalement la société pour la soumettre sans restriction à la volonté étatique et donc à la loi du plus fort. Et cette dernière expression n'est pas exagérée, étant donné que les rôles sont inversés : celui qui pensait user de sa liberté d'expression est traité comme un infâme persécuteur et un délinquant au moins potentiel, alors que ceux qui veulent éteindre toute liberté d'opinion en criminalisant la pensée jouent aux victimes ou aux défenseurs de la veuve et de l'orphelin.
Si les socialos de tout poil parviennent à leurs fins, qui d'autre que l'épiscopat fera entendre sur la place publique un autre son de cloche ?
Le MR au chevet des rouges
Les dirigeants du Mouvement réformateur montrent une fois encore toute l'étendue de leurs accointances avec les socialistes. Vexés que Moureaux leur ait tiré la langue, les caciques MR se comportent tel un amoureux transi, rejeté par sa fiancée. Il y a deux jours, c'était
Daniel Ducarme qui en appelait à une révolution au sein du parti socialiste; aujourd'hui, c'est Richard Miller, "l'idéologue" du "libéralisme social(iste)" qui exprime son voeu de voir un parti socialiste fort et qui
s'inquiète de sa "crise d'identité".
Au lieu de se réjouir d'un affaiblissement (pas si évident que cela, du reste) du PS, les Bleus s'en désolent et lui prodiguent des conseils pour se requinquer, dans l'espoir sans doute qu'il ruine totalement Bruxelles après avoir transformé la Wallonie en république néo-soviétique. L'Institut Emile Vandervelde est ainsi décrit par Miller comme une machine en panne, parce qu'il ne produit plus aucune idée susceptible de "rénover" le socialisme... Outre qu'il devrait se réjouir - s'il était vraiment libéral, bien sûr - de cette avarie idéologique, il omet que le rôle de l'IEV (dirigé par le plus proche conseiller de Di Rupo, Frédéric Delcor) est de fournir le gros des futures législations qui asphyxieront un peu plus le pays (par exemple :
la politique de genre), en sus de préparer de futurs cabinettards ou ministres (tels que
Flahaut).
Dans l'interview accordée par Miller à La Serve Belgique, le lecteur observera le couplet classique sur l'opposition entre les idées socialistes et le comportement des dirigeants PS, en supposant donc implicitement que la gauche incarnerait le Bien et que les actions frauduleuses divulguées quasiment chaque semaine seraient une trahison des "idéaux" socialistes. J'ai déjà écrit ce qu'il fallait penser de cette
dichotomie trompeuse.
Le
second volet de l'entretien éclaire d'une lumière crue les intentions réelles du MR : pour qui en doutait encore, ses dirigeants rêvent de poursuivre leur route vers des lendemains qui chantent en compagnie du PS. Il faut, commente l'éminence grise des Bleus, que "les partis les plus forts puissent s'entendre". Les masques tombent, pour peu qu'il y en ait eu...
En guise d'apothéose dans la complaisance pro-PS, Miller désigne le parti responsable de la faillite wallonne... Le CVP (actuel CD&V), accusé d'avoir été "le parti qui a mis la Wallonie à genoux" ! Dans cette logique, je présume que, pour le penseur de la coalition violette, les USA sont coupables de la tyrannie totalitaire à Cuba.