L'Economie Colonisée
Parfois, les hommes de l'Etat et leurs séides inventent de nouveaux concepts pour justifier leurs méfaits: c'est le cas de la notion de Développement Durable, qui a permis, tel que
nous l'avons décrit il y a quelques semaines sur ce blog, à quelques syndicalistes de se recaser. Il s'agit probablement d'une récompense pour services rendus.
Mais parfois, l'homme de l'Etat ne se fait même pas chier: il se recase, tout simplement, même si c'est immoral, illégal, ou tout simplement hors de propos. Cette pratique s'appele le pantouflage: le transfert d'un fonctionnaire de l'Etat vers une entreprise "privée" amie
Voici quelques cas tels que décrits par
le Canard Enchaîné (
édition du 29/12/04) dans l'article
L'injustice du Pantouflage:
- Didier Banquy, directeur de cabinet du ministre du Budget va s'envoler vers les Caisses d'Epargne, établissement contrôlé par Bercy,
- François Pérol, directeur adjoint au cabinet de Francis Mer puis Nicolas Sarkozy (aux Finances), où il s'occupait de privatisations: recasé chez Rotschild, un des principaux opérateur de privatisation de l'Etat
- Mathieu Pigasse, en charge des dossiers bancaires pour DSK et Fabius, embauché par la banque Lazard, qui se trouve être LA banque amie de ces deux ex-ministre de gauche
- les trois patrons actuels de la BNP (Michel Pébereau) de la Société Générale (Daniel Bouton) et du CCF (Charles de Croisset) sont issus des cabinets ministériels respectivement sous Monory, Papon/Juppé, et Balladur
Tout ces gens-là sont énarques, ce sont des hauts fonctionnaires, alors comment peut-on laisser se développer de tels conflits d'intérêt?
En fait, il existe une loi interdisant à un fonctionnaire de travailler pour des intérêts qu'il est censé surveiller, c'est la loi Sapin de 1993.
Seulement,
elle ne s'applique qu'aux fonctionnaires, pas du tout aux membres de cabinets ministériels. La loi Sapin a donc pris une précaution: protéger les petits membres de cabinets, et leur assurer un transfert intéressant lorsqu'ils perdront leur place.
Ainsi, de l'
Etat colonisé on passe à l'Economie colonisée, puis à la Société colonisée. Les réseaux des hommes de pouvoir s'étendent chaque jour davantage.
L'Objectivisme conduit-il au fascisme?
Très franchement, après avoir visité
le site du Ayn Rand Institute, on peut se poser la question ! Selon son président,
Yaron Brook, demander aux soldats américains d'épargner la vie des civils, cela reviendrait à abdiquer toute rationalité et à
faire preuve d'un altruisme mal placé. Curieusement, ce docte moraliste ne se pose pas la question de savoir si la doctrine "sacrificielle" qu'il préfère dénoncer chez les opposants à la guerre ne se trouve pas plutôt du côté des nationalistes à la botte du gouvernement Bush, pour qui tout citoyen américain doit approuver ses guerres impérialistes, sous peine d'être accusé de traîtrise et félonie...
Toujours sur le même site, on trouve le document en format PDF
"America at War" comportant un article intitulé "Innocents in War?" dans lequel l'auteur écrit impavidement : "As a free nation, we have the moral right to defend ourselves, even if this requires mass civilian deaths in terrorist countries". De quoi halluciner ! Voilà sans doute à quoi mène le refus objectiviste de l'idée d'altruisme et donc du droit sacré de chaque humain à voir sa vie préservée de la violence d'Etat. A mon sens,
l'objectivisme n'est pas libéral et n'est certainement pas un humanisme.
A ce sujet, voir aussi
ce papier du
Washington Post.
Propagande contre le peer-to-peer
Vous aurez peut-être remarqué comme moi l'énergie dépensée par nos médias pour lutter contre le peer-to-peer. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter les informations qui relatent chaque jour les condamnations de tel ou tel internaute indélicat ayant téléchargé des fichiers MP-3 ou vidéos (voir par exemple
ce "dossier" sur Yahoo)
Je tiens à rappeler que ces médias étant juge et partie se contentent de présenter une vision partielle et partiale de la réalité.
Ces condamnations concernent des individus ayant ECHANGE ou VENDU des fichiers, et non téléchargé. Et la nuance est grande.
Un
jugement du tribunal de Rodez datant du 13 octobre 2004 fait jurisprudence sur ce sujet : la perquisition du domicile d'un individu a permis de découvrir 488 CD comportant des films téléchargés ou copiés. Il a été établi que cet individu n'a utilisé ces CD-Rom qu'à des fins privés et ne les a ni échangé, ni vendu. Cet individu faisait donc de la copie privée, ce qui n'est pas interdit dans notre pays de nos jours.
Télécharger de la musique ou un film est autorisé, le mettre à disposition est interdit, sauf s'il est libre de droits ou que les droits vous appartiennent.
Aujourd'hui, un nouveau viaduc apparaît dans le paysage routier français.
Et ce viaduc est exceptionnel a plus d'un titre. D'abord, par ses dimensions, qui en font le viaduc le plus haut du monde (culminant à 343 m.), le plus long d'Europe (2460 m.) et extrêmement léger pour un ouvrage de cette taille (290.000 tonnes)
Ensuite, par la technologie employée par le maître d’œuvre du projet (
la société Eiffage), la technologie du lancé, permettant de construire le pont en "lançant" à chaque extrémité le tablier du pont au fur et à mesure de sa construction pour rejoindre les deux parties au milieu du chemin.
Enfin, par le financement. En effet, le financement de la construction et de l'entretien du viaduc ne sortira pas, pour une fois, de la poche du contribuable français, mais des fonds propres de Eiffage, en contrepartie d'une concession de 75 ans sur le viaduc. Bizarrement, le pont a coûté 2 millions d'euros de moins que le budget initial et la durée de sa construction a pris 15 mois de moins que le délai prévu par les technocrates de notre Etat.
L'Etat colonisé
Sur ce blog, nous sommes habitués à dénoncer les méfaits des gangsters de l'Etat et de ses affiliés, au premier rang desquels les syndicats comme le MEDEF ou la CGT. Je vous renvoie notamment au billet
Etat=maffia?, qui expose le principe de base de fonctionnement d'un Etat.
Ces gangsters, homme de l'Etat et syndicalistes, travaillent dur chaque jour à se faire attribuer une part du gâteau (des gâteaux devrais-je dire!). Un exemple avec cet
autre billet concernant le groupe bancaire franco-belge Dexia, où Ronnie a bien insisté sur une des caractéristiques clés: la répartition des postes de direction et du pognon des français est basé sur le principe des chaises musicales.
Un dernier exemple, probablement l'un des pires, la Sécurité Sociale, avec cet épisode charmant de la gestion paritaire:
une conférence des SS mondiales tout frais payés à l'autre bout du monde (forcément, à Vesoul ou Béziers, ça aurait moins de gueule), la délégation française était de loin la plus nombreuse.
Il va de soit qu'une des origines principales de ce gangstérisme est d'une part l'étatisme, en soi, mais aussi l'interdiction du syndicalisme dans notre pays, le récent
cas de l'UNSA, qui n'a pas été invité à participer au festin de pillage de la France, le Conseil d'Etat lui ayant claqué la porte au nez.
Ce qui m'amène à parler d'un petit entrefilet paru dans Les Echos:
Le numéro deux de la CFDT devrait rejoindre GDF
Michel Jalmain, qui va quitter la CDFT, devrait intégrer la direction du développement durable de Gaz de France. [..] Michel Jalmain a trouvé un point de chute à Gaz de France.
[..]Le syndicaliste, ancien secrétaire général de la fédération de la construction-bois, devrait intégrer la direction du développement durable de l'entreprise publique. La thématique semble en passe de devenir une voie privilégiée de reclassement des anciens cédétistes.
Voilà qui est interessant: ce nouveau concept bidon de développement durable aura au moins fait un heureux, Michel Jalmain va pouvoir s'adonner aux joies du
slideware, ce que l'on appele techniquement "raconter n'importe quoi".
Un heureux? Un seul heureux? Mais non: les maffieux sont solidaires entre eux, il y en a pour tout le monde!
L'ancienne secrétaire générale, Nicole Notat, a créé une agence de notation sur cette question. L'ancien secrétaire général de la fédération de la chimie CFDT, Jacques Khélif, est, lui, devenu directeur du développement durable de Rhodia.
Nicole Notat dirige
Vigeo, devinez comment s'appele l'actionnaire principal: Eulia, fruit du regroupement de la Caisse d'Epargne et de la Caisse des Dépôts et Consignations, deux représentants de l'ultralibéralisme en action.
Les autres actionnaires sont d'une part des syndicats, d'autre part des grandes entreprises amies, ce qui reflète une fois de plus l'alliance Big Business-Big Government.
Quand à Rhodia, nul besoin de préciser que c'est une ancienne filiale d'entreprise nationalisée, dont les actionnaires principaux sont Aventis et le Crédit Lyonnais (aussi nationalisée puis privatisée ànouveau
L'article des Echos se termine sur une question:
Le paradoxe est que Michel Jalmain arrive dans une entreprise où la CGT est majoritaire. On attend la réaction de cette dernière.
Tiens, c'est vrai ça: pourquoi la CGT partage-t-elle son fromage? La réponse dans quelques temps, sûrement, j'ai hâte de goûter aux arguments des uns et des autres.....
Il est à noter que Les Echos a désormais pris acte de ce que les industries électriques et gazières françaises sont la propriété du syndicat communiste CGT.
Joyeux Noël à tous, et du fond du coeur, au nom de Monsieur Jalmain, je remercie les français d'être des larves, des esclaves, des gens que l'on peut voler facilement. Merci à toi, peuple de France.
Eskoh contre le libéralisme "tronc"
L'excellent Eskoh vient de publier un remarquable (
as usually) article critiquant
le libéralisme "tronc" (et tronqué). Ce dernier participe d'une conception trop politicienne et instrumentalisante de la liberté. Comme il le rappelle, la quête de "l'unité" à tout prix risque de saper les fondements individualistes de notre philosophie (et, donc, de scier la branche sur laquelle nous sommes assis !). Un post que j'aurais aimé écrire !
Le bourbier
Comme souvent, une petite citation et une devinette.
Tout le monde sait ce qu'est une armée. Tout le monde sait ce qu'est une guerre.
Par exemple, on observe que l'Irak est actuellement en état de guerre, et que l'armée des USA est sur ce théâtre d'opérations. Parfois advient ce que l'on appelle des bavures, à savoir des erreurs pas forcément intentionelles au premier degré.
L'essentiel est de le reconnaître, et de corriger les lacunes du dispositif ayant conduit à une telle chose. L'outil-clé, pour cela, c'est l'
enquête.
L'exemple typique est le cas des "tortures" d'Abu Ghraib, le Pentagone ayant fait preuve d'une grande diligence dans l'enquête.
Maintenant, la devinette.
Qui a dit ceci:
"[je suis] opposé à une commission d’enquête, [..] [c'est une] idée inappropriée et maladroite.[Je demande] au Parlement de ne pas tomber dans une instrumentalisation des événements encouragée et souhaitée par [les protagonistes locaux], et de rester serein face à ces gesticulations. Une telle commission serait inappropriée car cela constituerait un acte de défiance à l’égard de nos militaires en poste dans ce pays. Or, nos militaires dans le contexte actuel ont plus besoin du soutien de la représentation nationale que de ses doutes et de ses critiques".
Allez hop, la réponse est
ici. J'avoue avoir été sidéré par ce communiqué de presse, et surtout par l'identité de son auteur: l'homme en charge, en France, de l'examen des activités militaires de notre pays. C'est l'homme placé par la souveraineté populaire à l'Assemblée Nationale, ensuite choisi par ses pairs pour surveiller et observer l'armée.
C'est ce que l'on appelle, en théorie, un organisme de contrôle.
Nous apprenons que Guy Tessier, président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, est le chef des pom-pom girls de l'Armée Française, le rôle de cette commission semble être moins l'enquête indépendante pour le compte du peuple français qu'un fan club de l'armée française.
A quoi servez-vous, M. Tessier? Quand allez-vous faire votre travail? Etes-vous aux ordres du peuple français ou bien êtes-vous en place pour servir d'autres intérêts, comme celui de votre parti?
Il serait temps de se pencher très sérieusement sur cette affaire ivoirienne, comme
le recommande le député Jacques Godfrain (ancien ministre)
On pourrait déjà s’intéresser à l’assassinat du général Gueï, quels en sont les responsables. On pourrait parler de votre collègue journaliste [Jean Hélène] assassiné, également dans cette commission d’enquête.[..]
On pourrait également s’intéresser au financement de l’achat des hélicoptères et des avions sukkoi; par quelle filière l’argent a pu arriver pour financer ces armes de guerre ? Qui étaient les pilotes ? Qui les payait ? [..] Ce que je prétends, c’est qu’il y a des zones d’ombre graves dans ce dossier, que toute la vérité doit être faite. Mais, c’est vrai que quelque fois, ces demandes de commission d’enquête sont des véritables boomerang.
Post Scriptum 1 : Voir l'état des débats sur ce sujet de la Côte d'Ivoire sur le forum libéral francophone Liberaux.org.
Post Scriptum 2: Je rappelle qu'en France, les tribunaux militaires n'existent plus depuis 1981, et que la juridiction en charge des armées s'appelle "tribunal aux armées", instance composée de juges civils appliquant le droit commun, sous la tutelle du Procureur de Paris. Pas de nouvelles de cette juridiction, malgré l'extraordinaire flou entourant cette affaire ivoirienne, qui devrait normalement imposer à tout être sensé l'ouverture d'une enquête préliminaire - au minimum!
Post scriptum 3: Le 30 novembre dernier était diffusé sur Canal + un reportage contredisant les thèses de l'armée française concernant la légitime défense. D'après le Canard Enchaîné, il était prévu qu'il soit rediffusé le 6 décembre, ce qui n'a malheureusement pas pu avoir lieu, compte tenu des pressions de M. Fourtou, président de Vivendi, sur Bertrand Méheut, président de Canal +.
La double tentation
A titre personnel, je considère que deux tentations menacent les libéraux et libertariens : la dissidence et l'oecuménisme, qui sont en réalité les deux faces d'une même médaille. L'oecuménisme consistant à estimer qu'est allié du libéralisme quiconque s'oppose à la "gauche" me paraît relever de la basse politique. J'observe qu'il est très présent dans les milieux libéraux français - où règne, hélas, la pensée binaire.
Cette volonté oecuménique de rassemblement droitiste caractérisant certains libéraux découle d’un autre piège intellectuel : celui de la dissidence, aussi paradoxal que cela puisse sembler. Je m'explique : à force de se croire bannis de la société des hommes - tous évidemment égarés, tous rongés par le gauchisme galopant -, ils finissent par se complaire dans une sorte de bantoustan culturel qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer, notamment par une attitude de souverain mépris pour leurs contemporains et, surtout, leurs compatriotes. La culture de l’excuse serait, en l’espèce, mal venue ! On le voit : considérer que la France est corrompue par les idées de gauche et avilie par les "médias unanimement gauchistes" - rengaine entonnée en choeur par la plupart des "libéraux", notamment au début de la guerre en Irak - permet de se positionner en Soljenitsynes de Foire du trône. Ahh, comme on doit se sentir héroïque en allant
planter des OGM, en pensant que c'est le fin du fin du combat libéral. Comme si politiser une simple préférence alimentaire représentait une noble cause !
Ce faisant, le risque est grand que nous pactisions avec des groupes politiques qui, analysés superficiellement, peuvent apparaître proches en certains points de nos idées. Mais les mots ne font pas les principes ni les pleurnicheries anti-gauche une cohérence politique et intellectuelle. Le
fusionnisme serait fatal à la cause libérale et libertarienne. De John Locke à Ludwig von Mises, en passant par Benjamin Constant, le libéralisme classique ne s’est jamais confondu avec les délires bellicistes et impérialistes non plus qu'avec le mercantilisme ou encore la conquête pour le monopole de la violence politique. Au contraire, ces idées, dignes de figurer dans un musée de la tératologie politique, il les a inlassablement dénoncées - quelle qu’en soit la couleur politique dont elles étaient superficiellement revêtues. Aux libéraux et libertariens de maintenir cette tradition, sous peine de ne jamais réussir à convaincre le public de leur sincérité.